Celle qui nous colle aux bottes
« Papa ? Est-ce que je peux faire un reportage sur ton métier ? » Voici la question que Marine de Francqueville pose à son père, agriculteur. Au gré de quelques échanges téléphoniques et de visites sur place, cette jeune étudiante des Arts déco questionne, confronte ses idéaux écologiques et raconte. La première partie un peu « vulgarisatrice » et les dialogues du quotidien ne sont pas les éléments les plus captivants. Mais l’intérêt de ce livre tient dans la persévérance et la simplicité de l’autrice. Elle reconnaît vite que le sujet est complexe et restitue avec justesse les problématiques de son père : la pression économique et son rôle de soutien de famille. Puis on s’aperçoit que son frein majeur tient à sa « formation ». Durant toute sa carrière, il a accompagné le mouvement de mécanisation et le modèle productiviste. Inconsciemment, il associe le bio à un retour en arrière. C’est là que le roman graphique devient le plus intéressant, quand le papa accepte d’aller à la rencontre de ses voisins bios et qu’on constate que le plus efficace outil de transformation est la transmission d’humain à humain. Grâce à sa ténacité, l’autrice a réussit à planter une petite graine qui ne demandera qu’à pousser.
Sur le plan formel, elle utilise un système classique de gaufrier et un trait crayonné en noir et blanc. Le lecteur assiste à la construction du récit. Ce procédé, bien que sans surprise, est efficace. Les découpages sont variés et agrémentés de-ci de-là de documents. Si les parties de vulgarisation ne sont pas les plus réussies, sa démonstration « d’empowerment » captive. On ne voit pas communément une jeune femme s’autorisant à questionner publiquement les valeurs professionnelles de son paternel ! Elle démontre ainsi que questionner n’est pas s’opposer.
De plus, elle accepte une forme de lâcher prise intellectuel. Dans un monde toujours plus complexe où l’information abonde, nous peinons à suivre. Marine de Francqueville, en s’accrochant à quelques concepts clés, montre combien ses lectures l’informent et la forment. Elle illustre par exemple l’idée qu’un voyage en vélo n’est peut-être pas plus long qu’un trajet en voiture, si on prend en compte le temps passer à travailler pour gagner l’argent couvrant les frais du véhicule. Finalement, elle utilise son temps à profiter d’un paysage qui défile lentement plutôt que de travailler entre quatre murs pour se payer un transport rapide.
C’est donc sur le long terme que se dégage un vrai point de vue qui transmet l’ambition de questionner le monde pour l’emmener vers un autre avenir. Cette lecture ne laisse pas indifférent pour qui s’intéresse à la thématique de l’agriculture et vient compléter l’offre sur ce sujet par une vision originale.
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