Un appartement fait de papier, des pretty love – tumeurs trendy – par dizaines sur les visages des gens, des ébats crus tendance décor baroque ou encore Ckinkoman, l’homme-bite affublé d’une tête de gland… Autant d’éléments d’une société grotesque dominée par la pulsion sexuelle. Et cernée par le phallus-roi…

Les éditions Matière publient toujours des albums irréprochables, autant dans la forme que le fond (Prokon, La Salle de la Mappemonde, Le Programme Immersion, Tarzan contre la vie chère). Avec C’est comme ça, recueil d’histoires courtes signées du mangaka Jirô Ishikawa, le lecteur part à la rencontre d’un univers loufoque et bariolé, peuplé d’homme-glands et de corps masqués, le tout à l’ombre de gratte-ciel fiers comme la Tour Eiffel, sortes de phallus orgueilleux aux lignes froidement géométriques.

Moins le délire d’un esprit tordu que l’image vertigineuse d’un monde fantasmé, rêvé ou « craint », C’est comme ça aligne les tableaux bizarres pour mieux saisir l’étrangeté du monde, aussi fascinant qu’inquiétant. Avec un trait d’une redoutable élégance – l’éditeur évoque un « psychédélisme organique » –, le mangaka électrise ses découpages, mime des semblants d’action et met en scène des personnages sortis de nulle part, ajoutant à l’effet comique par ses décalages. Délirant, fécond, l’album ne cesse d’interroger autant par sa délicatesse que ses mystères. Et pour mieux faire connaissance avec l’auteur, ne manquez pas l’interview réalisée par l’éditeur en fin d’ouvrage, elle vaut le détour. Une belle découverte !