C’est quoi, un terroriste ? : le procès Merah et nous
Doan Bui est journaliste, grand reporter à l’Obs. En 2016, elle rate l’anniversaire de l’une de ses deux filles pour couvrir les attentats de Bruxelles. Un an plus tard, c’est encore elle qui suit le procès d’Abdelkader Merah, frère de Mohammed Merah, qui en mars 2012 a assassiné 3 militaires et ouvert le feu devant l’école Ozar Torah à Toulouse, tuant un père, ses deux enfants, et la fille du directeur de l’école.
C’est quoi un terroriste (Seuil / Delcourt) raconte pas à pas la couverture de ce procès hors norme, où témoignages déchirants des proches des victimes succède à la barre à la haine intrinsèque à la famille Merah.
Plus qu’un simple reportage, ce livre est aussi le parcours didactique d’une journaliste appliquée et impliquée (lauréate du prix Albert Londres en 2013), parcours frappé de plein fouet par le terrorisme et tout ce qu’il impacte. Quand son métier mais aussi sa famille vivent au rythme des attentats.
Le récit nous emmène dans les coulisses du Palais de justice, avec ce qu’elles peuvent avoir d’absurde, parfois jusqu’à la drôlerie. Quant au quotidien de mère de Doan Bui, confrontée aux nombreux questionnements de ses deux filles, il apporte une forme de recul touchant, et quelques sourires.
Cette double dimension bénéficie à plein du style enfantin de Leslie Plée, dont les dessins au trait noir rehaussés simplement de touches de rouge portent avec pudeur les moments les plus tragiques du récit. Le déroulé graphique, très travaillé, n’hésite pas à jouer avec les mises en scène, qui allègent le propos, juste ce qu’il faut. L’avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti, dont la plaidoirie avait lancé une intense polémique lors de ce premier procès, fait un personnage de bande dessinée idéal, sans oublier tout le cortège d’avocats, juges et journalistes, particulièrement bien croqué.
Alors que le procès en appel est en cours, l’album parvient habilement à mettre en perspective cette première instance, à en faire un outil de compréhension de la France d’aujourd’hui, et ce sans jamais se départir d’un regard profondément humain.
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