C’est toi ma Maman ?
Comment parler de sa relation avec sa mère sans tomber dans le cliché ou dans le pathos ? Les réponses sont dans C’est toi ma maman ?, un roman graphique complexe qui ne cède jamais à la facilité. Après avoir lu le premier livre d’Alison Bechdel (lire son interview ici), on pouvait se douter que cette Américaine de 50 ans, aux allures d’adolescente, ne ferait rien comme les autres. Dans Fun Home, paru en 2006, elle s’attachait à décrire son enfance aux côtés d’un père fuyant et froid, tout à la fois professeur d’anglais et gérant d’une maison funéraire, homme marié mais homosexuel honteux. Elle y évoquait également sa propre homosexualité. Un livre douloureux, terriblement personnel mais d’une force rare.
Ici, elle va plus loin encore : outre ses rapports avec sa mère, elle retrace avec une grande sincérité son propre parcours, professionnel, intime. Elle n’hésite pas à retranscrire ses séances chez la psy et à dévoiler ses questionnements, ses échecs. C’est parfois vertigineux : 304 pages au cours desquelles elle embarque le lecteur dans le temps (lorsqu’elle évoque ses souvenirs d’enfance ou la jeunesse de ses parents), pour revenir presque aussitôt dans son présent, en train d’écrire C’est toi ma maman ? Déroutant aussi lorsqu’elle invoque les fantômes de la romancière Virginia Woolf et de Donald Winnicott, écrivain et psychiatre britannique du vingtième siècle, connus tous deux pour leurs positions féministes avant l’heure. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une bande dessinée profondément féministe, et qui se revendique comme telle.
Son dessin, assez minimaliste, sert son histoire et lui permet de naviguer entre les situations et les personnages. La couleur donne une vision assez mélancolique à son propos, notamment lorsqu’elle donne vie à ses rêves. Et ses longues discussions au téléphone avec sa mère, bien qu’assez statiques, sont des moments où l’émotion est palpable, sans doute parce que, dans ces moments-là, l’incompréhension entre les deux femmes est à son sommet.
Publiez un commentaire