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Chantal Montellier se livre dans « La Reconstitution »

2 avril 2015 |

montellierChantal Montellier est bien connue dans le monde de la BD. Pour ses albums, une trentaine, son engagement militant, artistique, politique et féministe, ses prises de position tranchées. Dans La Reconstitution, moins une BD qu’une autobiographie illustrée et un livre-bilan, elle retrace sa vie de femme (de 1947 à 1980) dans un monde dominé par l’orgueil masculin. Frontalement, en toute franchise, avec une radicalité mâtinée d’un sens de la formule qui fait souvent mouche : « Si « l’Art c’est voir », alors oui, incontestablement je suis une artiste« . Mais que peut une artiste dans un désert de solitude? Ses énergies paralysées? Son « Moi » éparpillé« ? » Puis reprenant Beckett : « Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter. »

Thierry Groensteen, son éditeur et spécialiste d’histoire de la BD, évoque même à propos de l’œuvre de Montellier « une œuvre de combat » car l’auteure « s’est tenue aux côtés des opprimés, des aliénés, de ceux qui ne rentraient pas dans le moule […]. ». Le portrait est souvent dur, sombre, le ton emporté ou « animé d’une juste colère ». la_reconstitution_image1Car la réalité vécue est intense, proportionnelle à l’omniprésence d’une violence multiforme, larvée ou exprimée dans des séances de thérapie ou un Art engagé (voir ses dessins de presse pour L’Humanité, Charlie, Métal Hurlant…).

Que ce soit dans le monde de la BD ou sa vie personnelle, Chantal Montellier décrit une série de traumatismes (la relation au père, l’avortement, la marginalisation) raconte les violences physiques et psychologiques, les rapports de forces qui s’expriment dans les sphères politique et économique. C’est donc le récit d’un regard, celui d’une femme en marge d’une société gangrenée par la violence et corrompue par le pouvoir.

Du coup pour Montellier, la vie est un combat contre les forces dominantes, une manière de résister à l’ordre naturel. Le témoignage forcément interpelle, fascine, dérange et distille parfois le malaise. Il interroge aussi par ses interprétations, ses anecdotes en prise avec l’histoire, sa manière de pointer crûment les responsabilités : la_reconstitution_image3son père est visé, des auteurs aussi, le monde de la BD en général et elle-même enfin, révélant ses limites pour mieux comprendre les ressorts du portrait.

Visuellement, Chantal Montellier dynamise sa scénographie à l’appui d’archives, de documents, de couvertures et d’affiches, de photos retravaillées, dupliquées ou redessinées. Le style est donc riche, plaisant et permet d’aérer ou rythmer la lecture d’un ouvrage qui compte tout de même près de 300 pages, pour restituer in fine la franchise d’une position et la réalité d’une époque, tout en équilibre. Le ton révolté conjugué à la vision sans concession exprimée dans les mots ou les images, donne à cette autobiographie toute sa saveur. L’amateur d’histoire de la BD et celui intéressé par le récit d’une auteure à part y trouvera de quoi nourrir sa curiosité. Étonnant et dérangeant.

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La Reconstitution #1.
Par Chantal Montellier.
Actes Sud/L’An 2, 32 €, janvier 2015.

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