Par Jorge Gonzalez. Dupuis, 26€, le 24 août 2012.

C’est une fresque ambitieuse, très (trop ?) riche, qui force l’admiration même si elle ne retient pas toujours l’attention. Dans Chère Patagonie, Jorge Gonzalez restitue la rudesse du village de Facundo en Argentine, y installe différentes générations aux aspirations divergentes.

L’auteur de Bandonéon débute son récit en 1888 et le termine de nos jours, brossant les évolutions des mentalités et des lieux. De Karl et Alicia, Allemands fraîchement émigrés dans « la zone », où il n’y a « que le vent et le silence », à leur fils Julian, qui ne rêve que de s’encanailler à Buenos Aires, et tente de ramener au village des smokings, crampons de football ou radios impossibles à vendre dans la boutique familiale.

Au fil de neuf chapitres (dont certains co-écrits avec Alejandro Aguado, Hernan Gonzales et Horacio Altuna), les époques et les histoires s’enchâssent avec des liens parfois évidents, parfois plus ténus. Cette mosaïque forme une épopée dense, de laquelle on décroche ici ou là. Avec le sentiment récurrent de se perdre dans cette louable entreprise historico-humaniste. Si l’on s’accroche malgré tout, c’est grâce au dessin bluffant de Jorge Gonzalez. L’Argentin use de crayons, de pastels à l’huile et d’aquarelle, qu’il travaille ensuite avec le logiciel Photoshop. Résultat, ses pages sont habillées de textures épatantes, d’une matière forte aux coloris tantôt denses et lourds, tantôt légers, tout en transparence. Son trait charbonneux s’étale librement, les personnages et décors se chevauchent. Proprement emballante, sa « patte » graphique ne rend pas l’album tout à fait digeste, mais lui donne une saveur forte, qui ne s’oublie pas.

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