« Chez les toubibs », ou l’hôpital militaire dénoncé par Gus Bofa
Après le superbe Gus Bofa, l’enchanteur désenchanté, les éditions Cornélius poursuivent leur exhumation de l’oeuvre du dessinateur. Chez les toubibs raconte l’hôpital militaire vu par l’artiste, qui y séjourna entre décembre 1914 et novembre 1915. Blessé aux jambes (« le pied gauche transpercé et la hanche droite fracassée »), il refuse qu’on lui coupe la jambe. Il « intéresse à son sort un chirurgien compétent », précise dans la présentation de l’ouvrage Emmanuel Pollaud-Dulian, spécialiste de l’oeuvre de Bofa.
Ses jambes sont sauvées par « une série d’opérations longues et difficiles », mais le dessinateur est évacué vers un autre hôpital, « où on lui recasse la jambe recollée de travers ». Résultat de cette convalescence pénible et contrarié : « une impotence complète du membre inférieur droit, du genou et de l’articulation tibiotarsienne, avec déviation du pied en dedans, et une impotence notable du membre inférieur gauche ».
« En 1915 et 16, écrit Gus Bofa, j’étais couché. Je faisais de la fièvre et des dessins sur les hôpitaux militaires. » Il livre donc un témoignage, dans lequel, assure-t-il non sans ironie, il ne faut « point chercher la moindre rancune contre le personnel médical ou auxiliaire ». Au fil de planches merveilleusement expressives, l’artiste rebaptise le personnel hospitalier « l’oeuvre de la goutte de pus » ; moque le statisticien qui se vante de n’avoir que « 0,731 pour cent de perte » ; croque avec un humour glauque le « départ pour le billard » d’un blessé ; décrit de façon piquante le médecin-chef, le chirurgien ou l’inspecteur… Chacune des pages suinte à la fois la drôlerie, le désespoir et la guerre, dont Gus Bofa montre ici frontalement les conséquences.
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Chez les toubibs
Par Gus Bofa.
Cornélius, 29,50€, le 28 août 2014.
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