Christian Durieux enchante Le Louvre
Les éditions Futuropolis poursuivent leur collaboration avec le musée du Louvre, en invitant Christian Durieux à venir y faire un tour. Et le résultat porte bien son nom : Un enchantement. L’histoire d’un homme politique qui se retire de la vie publique. Ses collaborateurs organisent en son honneur une réception dans une salle du musée.: trop pompeux à son goût ! Le vieil homme pique une paire de bouteilles et tombe sur une mystérieuse jeune femme. À la fois muse et souvenir d’une jeunesse passée, en même temps qu’incarnation de l’espoir d’une fin de vie paisible. En tout cas, une très jolie raison d’aller faire un tour au Louvre, en compagnie d’un auteur de 46 ans enthousiaste, qui démontre ici tout son talent de la mise en scène.
Comment est né ce projet de BD sur le Louvre, après les volumes de Nicolas de Crécy ou Yslaire notamment ?
C’est Sébastien Gnaedig [éditeur chez Futuropolis] qui me l’a proposé. Nous nous connaissons depuis longtemps et il a dû s’apercevoir que cela pourrait correspondre à mes envies. L’embryon de l’histoire est ensuite venu rapidement : un vieil homme politique rencontre une étrange jeune femme dans le musée… Quand j’en ai parlé à Fabrice Douar, le responsable de l’édition au Louvre avec qui j’ai effectué ma première visite de travail, il m’a rappelé que le palais avait abrité pendant longtemps le ministère des Finances. Cela donnait d’un coup de l’épaisseur à mon personnage, qui est donc un ancien ministre des Finances, et l’occasion pour lui de servir de guide à la jeune femme à travers des lieux de son passé.
Comment avez-vous choisi les oeuvres autour desquelles tourne votre histoire ?
J’ai tout de suite pensé au couronnement de Napoléon par le peintre David, car avec ce seul tableau, je pouvais évoquer la flatterie, le cirage de pompes des collaborateurs de mon héros. Ensuite, mon récit est un chemin de cette peinture très pompeuse vers celle plus libertine, plus fine et plus légère du XVIIIe siècle (Watteau, Fragonard…).
Avant d’y retourner pour l’album, quelles images gardiez-vous du Louvre ?
Un souvenir d’enfance, lié à Napoléon justement. Plutôt période Bonaparte, d’ailleurs. J’aimais ces images romantiques du futur empereur à la bataille Pont d’Arcole, comme on aime les soldats de plomb… Après, mes goûts ont changé, et j’apprenais à apprécier les petites salles du musée, comme des alcôves loin du flot de visiteurs.
Il y a un petit côté fantastique à la visite nocturne du musée par vos personnages…
C’est vrai, mais j’ai voulu créer un fantastique de l’intime et de la complicité plutôt qu’un côté Belphégor. Le fantastique vient du décalage : deux personnes que tout oppose (le sexe, l’âge, la position sociale) visitent un musée la nuit…
Graphiquement aussi, ces deux personnages sont traités de manière différente.
J’ai évidemment pensé à François Mitterrand, pour mon homme politique. Il avait un grand sens du symbole, jusque dans le choix de ses vêtements. Un vieil homme aux chapeau et manteau noirs évoquent immédiatement la silhouette de Mitterrand. Ces accessoires donnent à mon personnage une façon particulière de se tenir, il est beaucoup plus terrien que la jeune femme, que je rends discrètement fantomatique en la dessinant entièrement blanche.
Le vieil homme fait aussi penser au héros des Gens honnêtes, série que vous réalisez avec Jean-Pierre Gibrat.
Sans doute parce qu’il y a beaucoup de moi dans le scénario des Gens honnêtes. C’est vrai que ces deux personnages ont envie de revenir à une certaine légèreté, d’apporter du rire dans les larmes, de rejouer leur vie une nouvelle (une dernière?) fois…
Comment avez-vous conçu le graphisme de l’album ?
Mon impératif était d’assurer une cohérence entre mon dessin et les peintures. Il fallait éviter une trop grande différence entre les deux. J’ai travaillé en couleurs directes sur un papier moucheté gris/beige, et j’ai tout simplement imprimé les tableaux sur mon imprimante jet d’encre, de manière à ce que les toiles se fondent dans mon dessin. Je crois que cela a d’ailleurs été un casse-tête à rendre lors de l’impression de l’album, mais le résultat très satisfaisant. Pour le format du livre, j’ai opté pour un carré, qui me permettait d’appuyer sur l’horizontalité des longs couloirs du Louvre, qui me font penser à ceux du décors de Shining de Stanley Kubrick.
Pourquoi avoir choisi de conclure votre livre sur le tableau Pèlerinage à l’île de Cythère d’Antoine Watteau ?
Ce tableau est le symbole de toute l’histoire, avec un regard vers le passé et un autre vers une vie qui change. Il entremêle deux atmosphères, un aspect libertin et une certaine mélancolie. D’ailleurs, les historiens de l’art sont divisés : on ne sait pas exactement si les personnages sont heureux car ils partent pour l’île des amants, ou s’ils sont tristes car ils doivent la quitter… On peut aussi y voir un côté BD, de décomposition du mouvement : un couple s’embrasse assis, puis se lève, et s’en va.
Quels sont vos projets ?
Je dessine le tome 3 des Gens honnêtes. Et je viens de commencer à travailler avec Christophe Dabbitch, qui a écrit une histoire sur un véritable cas de « dromomanie », un syndrome rare dont était atteint un homme dans les années 20 et qui faisait qu’il ne pouvait s’empêcher de partir, de marcher. Il est allé jusqu’au Maroc ou à Moscou, sans vraiment comprendre pourquoi. Puis a demandé à être interné. C’est un beau projet, prévu chez Futuropolis.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Un enchantement.
Par Christian Durieux.
Futuropolis / Le Louvre, le 24 août 2011.
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Images © Durieux / Futuropolis – Photo © Didier Gonord
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