Cité d’argile ***
Par Milan Hulsing, d’après Mohammed El Bisatie. Actes Sud/L’An 2, 19,50 €, le 20 mai 2011.
Salem est un fonctionnaire comme un autre, affecté à de la paperasse, des monceaux de paperasse… qui recèlent en fait des éléments primordiaux du fonctionnement de l’Etat égyptien. En effet, tous les choix budgétaires passent entre les mains de Salem. Il les connaît par coeur ces formulaires, ces courriers débloquant des lignes de crédit. Et s’il en profitait ? Grâce à de faux rapports, le voilà donc qui se met à imaginer une ville de province, destinataire de vrais fonds gouvernementaux, qui finissent dans sa poche à lui…
L’histoire de cette incroyable manipulation a été écrite par un auteur égyptien, et sa critique du régime de Moubbarak est tout à fait transparente. En effet, la société dans laquelle évolue Salem, et surtout celle qu’il crée de toutes pièces dans son esprit perturbé, sont faites de policiers corrompus, d’édiles violents et sans scrupules, qui ne peuvent que mener le pays à sa perte. D’ailleurs, c’est sans doute en réaction à une administration qui veut faire taire toute opposition que Salem bascule dans une forme de psychose effrayante : prisonnier de sa cité d’argile (il construit en terre une maquette de sa ville imaginaire), il ne perçoit plus la frontière entre réalité et mensonge et finit par être englouti.
Auteur de la transposition BD, le Néerlandais Milan Hulsing (installé au Caire) joue à merveille de la limite ténue entre les deux mondes, celui de pierre et celui d’argile. D’un lavis souple, oscillant entre le gris (réalité) et le brun (rêve), qui fait parfois penser au Ibicus de Pascal Rabaté, il compose un livre halluciné, onirique, violent, et bien sûr éminemment politique. Une très belle réussite.
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