Clones, le film : mieux vaut lire le comics
Encore. Et oui, encore une fois, une excellente idée dans une bonne BD (dont on vous reparle bientôt) a séduit Hollywood. Et encore une fois, le cinéma a raté son adaptation. En salles dès demain 28 octobre, le film Clones (Surrogates), de Jonathan Mostow (U-571, Terminator 3, le futur Sub-Mariner…), avec Bruce Willis en tête d’affiche, avait pourtant tout pour réussir…
L’histoire: dans un futur proche, plus de 90% des humains (enfin, des Américains) disposent d’un clone, ou plutôt d’un substitut robotique, que l’on commande à distance, tranquillement vautré dans un transat high-tech. Plus la peine de se battre soi-même pour trouver une place assise dans le métro, devoir sentir la mauvaise haleine de son collègue de bureau ou être trempé parce qu’on a oublié son parapluie. Et puis, on peut choisir d’être beau et sexy, alors qu’en vrai on a du bide et des dents jaunes. Une révolution technologique et sociale, qui a fait chuter la délinquance à un des niveaux les plus bas jamais atteints: de fait, plus la peine de menacer ou de taper quelqu’un, de toute façon ce n’est qu’une machine! Mais un jour, un individu électrocute un de ces robots, et son pilote grille avec…
Comme souvent dans la science-fiction, il s’agit de l’histoire d’un monde qu’on croyait parfait qui commence à se fissurer d’un peu partout. La technologie proposée ne semble plus si indestructible, les anti-clones font entendre leur voix de plus en plus fort, le héros flic se rend compte qu’il ne voit plus jamais son épouse en vrai… Clones se place ainsi dans la filiation des romans d’Isaac Asimov et Philip K. Dick, et dans les films adaptés de leur univers, de Blade Runner à I Robot, en passant par I.A. Sauf que, là où la bande dessinée de Robert Venditti et Brett Weldele réussit parfaitement son pari, le film se révèle d’une platitude et d’une banalité extrêmes.
Passons sur le début, qui prend une option scénaristique déjà moins intéressante que la BD, mais qui aurait pu fonctionner. Et relevons tout de suite l’un de ses seuls points forts: le maquillage. Les acteurs de chair et d’os sont en effet maquillés de telle façon qu’on sait qu’ils incarnent des robots. Teint trop parfait, regard trop souligné renforcent avec bonheur le jeu nécessairement sans émotion des comédiens. Chouette idée. Mais il ne suffit pas d’une bonne chef maquilleuse pour faire un bon film, ça se saurait.
L’intrigue se déroule ainsi de manière bien morne (enquête tristoune, interrogatoires déjà vu…), les rebondissements sont hyper-prévisibles et le fond sacrifie encore une fois beaucoup trop à l’action. Les personnages ne prennent aucune épaisseur, notamment le prédicateur anti-clone, incarné par un Ving Rhames en toute petite forme. Bruce Willis lui-même a beau jouer de son fameux regard de chien battu, il ne suscite guère de sympathie. Son personnage est sur-plombé par des drames familiaux tire-larmes, et sa cavalcade musclée à travers le camp de rebelles confine au ridicule. Là où un Will Smith, par son charisme et son énergie, réussissait à se faire une place dans un monde de machines dans I Robot, Bruce Willis semble bien impuissant dans cette intrigue stéréotypée et à la mise en scène terne. Car au bout du compte, les thèmes inhérents au sujet (la perte de contact avec le réel, la redéfinition de celui-ci, les conséquences sociales de la multiplication des robots, la place même de l’homme sur Terre…) passent à la moulinette de la production Walt Disney Picture. Et l’ensemble devient un polar d’action standard, déshumanisé et moche. Dommage, très dommage.
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Clones (Surrogates).
Par Jonathan Mostow.
Avec Bruce Willis, Rosamund Pikes, Ving Rhames…
1h25, en salles le 21 octobre 2009.
Images © Walt Disney Studios Motion Pictures France
Clones (la BD).
Par Brett Weldele et Robert Venditti.
Delcourt, le 21 octobre 2009.
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