Clones: vers un futur sans humain ?
Imaginez une planète dans laquelle tout le monde serait beau, athlétique, bien parfumé. Un monde où l’on n’aurait même plus besoin de sortir de chez soi pour travailler, faire les courses, danser en boîte… Où l’on commanderait à distance et par la pensée un double de soi-même… Ce monde à la fois tentant et flippant est celui de la bande dessinée américaine Clones (The Surrogates), dont l’adaptation ciné – avec Bruce Willis – vient de sortir en salles. Rencontre avec le scénariste Robert Venditti et le dessinateur Brett Weldele, un peu dépassés par le succès de ce qui n’est que leur premier livre. Et légèrement stressés par ce voyage, car ils avouent n’avoir jamais quitté l’Amérique du Nord auparavant.
D’où vient la terrifiante idée de Clones ?
Robert Venditti : De deux choses qui se sont développées à peu près au même moment aux États-Unis dans les années 90. D’abord les jeux vidéo en ligne, auxquels de nombreuses personnes devenaient totalement accros. Ensuite, les progrès de la chirurgie esthétique. Au départ développée pour des objectifs thérapeutiques, elle est devenue une mode, avec un seul but : être plus beau. Jusqu’à l’absurde, comme quand des parents offrent des implants mammaires à leur fille pour ses 16 ans ! Ce sont ces deux domaines de progrès scientifiques et technologiques qui ont fait germer en moi l’idée de Clones.
Étiez-vous vous-même un adepte des jeux vidéo ?
R.V. : Non, mais un certain nombre d’étudiants que je fréquentais à l’université l’étaient. Des types a priori normaux qui, quand ils s’installaient devant leur PC pour se connecter à un jeu en réseau, développaient des réflexes et des capacités extraordinaires de concentration et de coordination ! C’était très impressionnant. Mais ce qui a commencé à m’inquiéter, ce sont les tchats rooms. Un de mes amis s’amusait à se faire passer pour quelqu’un qu’il n’était pas, et se moquait de son interlocuteur. Sans jamais imaginer que ce dernier pouvait lui aussi être un usurpateur d’identité !
Vous avez choisi d’explorer ce thème de science-fiction sous la forme d’un polar. Pourquoi ?
R.V. : Effectivement, je souhaitais dès le départ avancer sur une intrigue criminelle. D’ailleurs, je ne suis pas un spécialiste de la SF. Mes références ne vont pas au-delà des œuvres connues de tous (Blade Runner, 2001…). Pour l’écriture, je me suis plus inspiré des séries télé policières, comme NYPD Blue ou Law & Order.
Brett Weldele : J’ai également accentué cet aspect, grâce à des textures bien palpables, qui renforcent l’atmosphère noire de l’histoire…
R.V. : … et qui créent un intéressant contrepoint avec la beauté supposée des robots-clones des personnages !
Votre postulat – tout le monde ou presque utilise des robots pour effectuer les tâches de la vie quotidienne – a d’importantes répercussions sociales dans la vie de la cité : baisse de la délinquance, amélioration des indicateurs de santé… Avez-vous effectué des recherches pour documenter ces idées ? Avez-vous rencontré des chercheurs ?
R.V. : Hé bien… non ! Tout est sorti de mon imagination. Quand j’ai proposé la première fois mon idée, au début des années 2000, tout le monde me disait que j’allais trop loin. Mais en réalité, un grand nombre de personnes, dont des scientifiques, ont déjà imaginé cette révolution robotique et l’attendent avec impatience ! Par ailleurs, je sais que ma bande dessinée est désormais étudiée dans certaines universités, donc mes thèses doivent être plausibles… Ou en tout cas, elles constituent certainement une bonne base de débat. Je ne donne pas de vision définitive, optimiste ou pessimiste, de l’avenir. Je ne porte pas de jugement, je me contente de poser des questions.
À propos de questions, votre histoire en soulève deux. Les hommes restant dans leur fauteuil high tech toute la journée ne vont-ils pas, par manque d’activité physique, devenir gras et développer des maladies cardio-vasculaires ? Et s’ils ne se débranchent pas de leur clone, comment vont-ils faire des bébés ?
R.V. : Votre maman ne vous a pas expliqué ? Non, sérieusement, on peut imaginer que tous les couples du futur que je décris ne sont pas comme mes héros, qui ne se croisent plus en chair et en os. Ils se débranchent le soir une fois leur journée de travail terminée, et se retrouvent… Concernant le développement des problèmes d’obésité, je ne peux pas en parler, car cette idée sera au cœur d’un prochain épisode de la série…
Seriez-vous vous-même tentés d’avoir un clone ?
R.V. : J’aime penser que non. J’ai sans doute une vision un peu trop romantique et nostalgique de la vie, mais je crois au contact humain. En même temps, la technologie peut être si utile… Brett vit sur la côte Ouest et moi sur la côte Est et pourtant nous travaillons tous les jours ensemble ! Le problème, c’est que la technologie peut s’avérer dangereuse quand elle devient indispensable. Il y a quelques années, je me demandais ce que je pourrais bien faire d’un téléphone portable… Mais récemment, quand j’ai cru l’avoir perdu alors que j’étais en Allemagne, j’ai eu l’impression qu’on m’avait coupé un bras !
B.W. : Franchement, même moi qui travaille à domicile, je crois que je serais ravi d’avoir un clone. Notamment pour les voyages. Je pourrais traverser les océans tout en gardant mon petit confort chez moi…
Comment voyez-vous l’évolution numérique de la bande dessinée ?
B.W. : Quand les tablettes de grand format seront répandues, je pense que toutes les BD seront disponibles au téléchargement, qu’elles seront vendues moins cher et que plus de gens liront des comics et des romans graphiques. Et parallèlement, il y aura des versions papier collector, en édition limitée, avec des bonus, pour les fans. Je vois tout cela plutôt d’un bon œil.
R.V. : J’ai encore un peu de mal à imaginer ce développement, car je suis un amoureux des livres. Mais pour moi, le plus intéressant, ce sera de créer des histoires spécifiquement pour les supports électroniques, sans penser à la double-page, etc.
Propos recueillis et traduits par Benjamin Roure
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Clones
Par Brett Weldele et Robert Venditti.
Delcourt, 14,95 €, le 21 octobre 2009.
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Clones (le film)
Par Jonathan Mostow. Avec Bruce Willis, Rosamund Pike, Ving Rhames…
En salles depuis le 28 octobre 2009.
Images © Top Shelf / Delcourt – Photo © BoDoï
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Vu le film, plutôt moyen. Mais le concept de base est intéressant. Bon, si vous voulez voir de bons films, je vous conseille surtout « le Ruban blanc » et « le Concert ». Aucun rapport avec la BD, mais vous verrez, il vaut mieux voir un film excellent sans rapport avec la BD, qu’un film moyen (ou médiocre) adapté d’une BD!!
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Vu le film, plutôt moyen. Mais le concept de base est intéressant. Bon, si vous voulez voir de bons films, je vous conseille surtout « le Ruban blanc » et « le Concert ». Aucun rapport avec la BD, mais vous verrez, il vaut mieux voir un film excellent sans rapport avec la BD, qu’un film moyen (ou médiocre) adapté d’une BD!!
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