Colère nucléaire #1
Akata, fournisseur officiel de mangas sur Fukushima. Le shôjo Daisy s’attardait, avec beaucoup d’empathie, sur la vie intime des habitants de la préfecture. Je reviendrai vous voir racontait l’histoire vraie d’un illustrateur jeunesse parti aider à reconstruire la zone sinistrée. Pour son troisième plongeon, l’éditeur limousin propose un titre radical, sans fard et loin du sentimentalisme. Colère nucléaire narre le point de vue d’un Tokyoïte qui, abreuvé d’informations inquiétantes au lendemain de la catastrophe, contracte une grande nervosité chronique. Un homme en colère. Il s’agit, bien évidemment, d’un alter ego de son auteur Takashi Imashiro.
À la capitale, ses compatriotes ne paraissent pas concernés : est-ce du courage ou du déni ? Satô, salaryman anxieux à la moue figée, fait partie des quelques citadins engagés contre le nucléaire. Il réfléchit, se documente, participe aux manifestations. Il a peur, devient paranoïaque, à juste titre. Voilà ce qu’est Colère nucléaire : le quotidien d’un homme en alerte – ses pensées, ses échanges avec d’autres citoyens, sa virée en zone interdite. Un trait faussement naïf porte les observations d’un auteur (spécialisé dans les mangas de pêche !) qui, en réaction viscérale à la situation désastreuse, a humblement sorti l’encre et la plume. Imashiro s’offre une liberté de ton rare – une case pornographique vient d’ailleurs le démontrer –, dans un milieu où s’ériger contre les pensées dominantes flirte avec l’impossible : extrêmement documenté et sans gêne aucune, ce tome aligne au grand jour les critiques à l’attention de personnalités et d’organisations réelles, ou déconstruit des articles de presse nippons. L’inconvénient pour nous étant une consultation intensive et, avouons-le, indigeste, des clés de compréhension en fin de tome.
Ni aguicheur, ni facile d’accès et brut comme une éruption de réflexions spontanées, ce manga-documentaire constitue pourtant un témoignage aussi fort qu’absorbant, ainsi qu’un outil de réflexion à destination de tout un chacun – pas seulement les Japonais, car le sujet nous concerne tous –, enrichi d’une chronologie de la catastrophe, d’une préface, d’un mot du traducteur et d’un entretien entre Imashiro et le politicien Yasuo Tanaka (!). À conseiller aux lecteurs responsables que, dans un monde idéal, nous devrions tous être.
© 2012 Takashi Imashiro / PUBLISHED BY KADOKAWA CORPORATION ENTERBRAIN
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