Vous pensiez que François Mitterrand avait été élu Le 10 mai 1981, devenant le premier président socialiste de la Ve République… Faux ! Coluche n’a pas abandonné la campagne électorale le 16 mars et est devenu chef de l’État, s’illustrant par une série de réformes audacieuses : apéro général, retraite à 60 ans, adoption des 35 heures… Allant, pour faire cesser la grogne des Français, jusqu’à décréter l’an 01 :  une remise à zéro des compteurs qui s’est traduite par la fin du travail, de l’autorité et de la propriété privée !

Avec Coluche président !, les frères Erre, Jean-Marcel au scénario et Fabrice au dessin, s’en donnent à cœur joie dans l’uchronie politique. On retrouve le trait tout en rondeur qui caractérise le cow boy stagiaire Walter Appleduck ou le professeur d’histoire d’Une année au lycée, mais qui reste toujours suffisamment précis pour qu’on reconnaisse tous les personnages publics de la décennie 1980. Il s’associe à merveille au sens du loufoque de Jean Marcel Erre, qui avait déjà exploré la veine futuriste-absurde dans son roman Le Grand N’importe quoi.

Chaque case foisonne de références et fait la part belle au comique de situation. Au-delà d’une quelconque vraisemblance scénaristique (la fin laisse d’ailleurs un peu dubitatif), le vrai plaisir de l’album réside dans la drôlerie des dialogues et la convocation des grandes figures politiques et culturelles des années 1980 : l’acmé tient ainsi dans une scène de banquet délirante et arrosée, réunissant tous les grands chefs de partis de 1981. Le décalage temporel et l’utilisation d’un personnage aussi populaire que Coluche permet d’éclairer avec ironie la collusion dans les hautes sphères du pouvoir et renouvelle avec bonheur le genre de la bande dessinée d’humour politique.