Come Prima
Il y a Giovanni, type assez falot, nerveux, sans doute rancunier. Et puis, il y a son frère, Fabio, le sanguin, le boxeur grossier, l’aventurier, celui qui pense qu’il ne doit rien à personne. Quand, après des années de séparation, le premier retrouve le second pour l’emmener rendre un ultime hommage au paternel décédé, c’est un road-movie sur les routes de France et d’Italie de la fin des années 1950 qui commence, lourd de secrets et de tensions…
Cette longue histoire de douloureuses et émouvantes retrouvailles a demandé près de trois ans de travail à Alfred (Pourquoi j’ai tué Pierre, Je mourrai pas gibier), qui a dû surmonter ses doutes et un véritable blocage créatif. Accumulant des notes disparates, il a finalement vu naître une fiction s’inspirant de sa famille d’origine italienne. À la fois drame familial, interrogations sur la paternité et hommage à la comédie transalpine des années 1960, Come Prima alterne les silence pesants et les éclats de voix, les séquences qui remuent les tripes et les scènes purement comiques. Et pour mieux poser le décor et expliquer la psychologie de ses personnages, Alfred convoque la grande Histoire et la montée du fascisme avant-guerre. Côté dessin, l’auteur déploie une palette lumineuse et variée, d’une ligne claire tendant à l’épure et évoquant Loustal, à un trait plus torturé ou granuleux, toujours au plus près du fond de son récit et des émotions naissant au détour de chaque page. Un graphisme exigeant et recherché, mais aussi immédiatement accessible.
La grande force de cet album au long cours (220 pages) est d’être, comme son auteur, à fleur de peau. De ne pas répondre à tout, de laisser la place à l’interprétation et au rêve, d’ouvrir la route vers des possibles et des terres ensoleillées. De venir du coeur autant que des méandres du cerveau, et de toucher juste à chaque séquence. Voilà ce qui en fait, au-delà d’une renaissance artistique pour son créateur, une des meilleures bandes dessinées de l’année.
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