Comme par hasard
Victor Nimas aime les chiffres, leur froide précision et leur prédictibilité. Il en a tout naturellement fait son métier et il remplit avec plaisir des colonnes de chiffres à longueur de journée dans un cabinet comptable. Victor a une situation enviable, une vie stable, bien à l’abri d’aventures hasardeuses. D’ailleurs, Victor ne croit pas au hasard. Chaque évènement est la conséquence d’une chaîne logique de causalité. Ainsi, la présence de ce billet d’opéra abandonné sur le trottoir ne peut pas être fortuite…
Depuis Fog (avec Roger Seiter – 1999), le talent graphique de Cyril Bonin n’est plus à démontrer. Comme par hasard en est une nouvelle preuve. Artiste complet, Bonin soigne la douceur et l’expressivité de son trait et l’accompagne d’une douce palette de couleur, entre vert et or. On plonge alors avec bonheur dans la Belle 2poque, accompagné de personnages charismatiques et attachants.
Côté scénario, c’est très agréable aussi et on se laisse facilement porter par l’histoire. Le récit est tenu de bout en bout et tient ses promesses. Malheureusement, si on gratte un tout petit peu, Comme par hasard devient vite « Deus ex Machina, la BD ». Avec le postulat très intéressant que les mathématiques, la logique et la causalité s’opposent au hasard et au chaos, on pouvait espérer un personnage principal plus fort, s’appuyant sur ses connaissances pour déjouer le hasard, plutôt que de le subir quasiment du début à la fin. Au final, Victor passe d’échecs formidables en coups de chance monumentaux, tous plus improbables les uns que les autres, au risque de mettre à mal la suspension de crédulité du lecteur. C’est alors un destin immuable qui se dessine pour les personnages (et qui s’incarne même physiquement), plutôt que les conséquences de leur choix ou d’un lancer de dé.
Avec le recul, on peine à savoir où l’auteur voulait en venir et quel était le cœur de son sujet, au-delà d’une histoire d’amour, forte et belle mais somme toute assez classique.
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