Confidences à Allah
Elle l’espère indulgent. Magnanime. Parfois, elle doute. Mais c‘est sous le regard d’Allah que J’Bara vit les tristes journées d’une jeune fille née dans les montagnes d’un pays du Maghreb. Et c’est à lui qu’elle s’adresse, pleine d’espoir, parfois, de résignation, souvent. Elle se doute que ce qu’elle fait dans la grange avec les bergers de passage, en échange de gâteaux et de yaourts à boire ramenés de la ville, ne lui plairait pas beaucoup. Mais c’est comme ça. J’bara est belle, et elle implore Allah pour qu’enfin, il se passe quelque chose dans sa vie.Il y a d’abord cette valise d’Américiaine, perdue par un bus de touristes, remplie de merveilles. Mais ensuite, il y a les nausées, et son ventre qui s’arrondit…
Voilà J’bara chassée de chez elle et partie pour la grande ville, ce monde qu’elle aspire tant à connaître. Elle en connaît des pires tréfonds, se prostitue pour survivre et bientôt pour bien vivre, avant que la vie ne la rattrape encore… Sa relation à Allah, elle, ne s’étiole jamais. Libre et insoumise dans sa tête, fidèle à son dieu, c’est ainsi que J’bara s’échappe de sa condition de femme, dont elle s’accomode comme elle peut. «Je me doute que tu n’aimes pas tout ce que je fais, que tu ne cautionnes pas, et c’est normal. Mais quand même, j’ai une question. Si j’étais née dans une famille bien, dans une ville bien, avec une éducation bien, j’aurais forcément été une fille bien, Allah», lui lance-t-elle. Au fil des épreuves et de ses multiples vies, c’est vers une forme de réconciliation qu’elle tend…
Confidences à Allah est l’adaptation du roman éponyme de Saphia Azzedine, sorti aux éditions Leo Scheer en 2008. Ce long et saisissant monologue a inspiré le scénariste Eddy Simon, rejoint par la dessinatrice Marie Avril. Le projet, secoué par les événements de janvier dernier, y puise une portée nouvelle. Cependant, le monologue continu du livre, dont il a fallu choisir des extraits, se dilue dans les images du récit séquentiel, et semble perdre en densité. La mise en couleurs parvient à installer une moiteur cohérente avec l’atmosphère du récit, mais dégage aussi une impression de surcharge et manque, au final, de naturel. La richesse du parcours de J’Bara et de sa foi toute en nuances, elles, sont intactes.
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