Connexions #1
Javier n’est plus avec Faustine, se plonge dans les livres et tente d’écrire. Il a laissé tomber la musique, contrairement à son ami Marc, qui songe de plus en plus à lâcher son job alimentaire pour vivre sa passion. Faustine, elle, tente de rebâtir sa vie sociale, tandis qu’Assia trace son sillon avec sa boutique de disques et que Matthew vit heureux avec Marc. Et c’est là que Judith revient de son road-trip…
D’une trame classique de récit choral, Pierre Jeanneau construit un puzzle narratif et visuel tout à fait excitant. Car chaque chapitre, centré sur un personnage qui croisera les autres, comporte sa trouvaille graphique et de mise en scène, faisant bondir la comédie dramatique d’une bande de potes au tournant de la trentaine vers un objet de bande dessinée audacieux. Premier parti pris, l’auteur, membre actif du petit éditeur Polystyrène (spécialiste du livre-objet et de la création sous contrainte), a choisi de dessiner ses pages de façon axonométrique, c’est-à-dire vues de dessus selon une perspective rappelant les jeux vidéo des années 1990. Ensuite, il joue avec le découpage, le visible et l’invisible, le chemin de lecture dans la double-page, des cases au format hexagonal… Dans son premier chapitre, les pièces de l’appartement de Javier se dévoilent l’une après l’autre, à mesure qu’il y pénètre. Dans le deuxième, on navigue verticalement puis horizontalement, avant de prendre la hauteur. Dans un autre, le temps s’écoule minute par minute au fil des bulles, et un peu plu tard, on vivra plusieurs actions dans la même image scindée en deux pages… Les idées sont brillantes et remarquablement exécutées ; il faut dire que Pierre Jeanneau a pu tester ses dispositifs en publiant les chapitres de Connexions séparément sous forme de fanzines, et que le passage au format album (ce sera un diptyque) a été révisé par l’auteur et son éditeur (remarquable travail de Tanibis, encore une fois), et dopé par la pertinente mise en couleurs de Philippe Ory.
Par son trait vibrant et sa mise en scène en perpétuel mouvement, Pierre Jeanneau sublime un scénario relativement attendu, et glisse – car, vous l’aurez compris, on est dans un album ciselé comme de l’orfèvrerie – mille détails dans les décors, dans le nom de ses personnages, dans ses titres de chapitire, qui ajoutent des couches de sens et font qu’on peut lire et relire Connexions avec un plaisir renouvelé. Comme on écouterait, en boucle, un album culte de rock.
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