Aux États-Unis, les délinquants sexuels pédophiles peuvent se voir condamner à vivre loin de tous lieux fréquentés par des enfants et devoir déclarer tout déménagement. Ils peuvent donc se retrouver dans des zones isolées, ghettos de criminels désargentés car éloigné de tout lieu de travail, où il ne seraient de toute façon pas embauchés en raison de leurs antécédents. Contrition Village, communauté de Floride, peuplée de criminels en probation animée par un prêtre, lui-même repenti, est le cadre de cette histoire. Une journaliste, lassée des petits faits divers, va enquêter sur la mort suspecte d’un habitant de ce quartier, et mettre au jour une histoire des plus glauques.

Le sujet est intéressant, car il convoque aussi bien des considérations juridiques, morales, ou tout simplement humaines et de vie quotidienne. En choisissant de le traiter façon polar, avec pour héroïne une reporter enquêtrice noire spécialisée dans la documentation des quartiers déshérités d’une Amérique exsangue, les auteurs incluent de manière intelligente la question de la rédemption des criminels sexuels dans un décor plus global assez réaliste et sordide. Cette fibre documentaire est bien rendue par le noir et blanc dense de Keko (Moi, assassin), qui s’appuie sur des photos pour composer ses décors. Toutefois, malgré un scénario fluide et une construction efficace, on reste un peu gêné par les motivations et les actes des personnages, trop romanesques et donc tranchant singulièrement avec l’ambition réaliste du projet. Difficile de croire en effet à cette journaliste, jeune mère de famille, qui hypothèque sa maison pour pouvoir mener une enquête qui ne la concerne pas directement, juste pour la beauté de l’investigation. Ni à ce mystérieux Tomasson, dont on ne dira rien pour ne pas gâcher la surprise, mais dont le destin tragique est assez exagéré. Dommage, à trop vouloir en faire, les auteurs finissent par perdre de vue leur bonne idée de départ.