Corb-Nez
En cette fin de VIIIe siècle, il ne fait pas bon être une femme trop libre. Qui veut aimer qui elle désire, et refuse de se taire sous les brimades de son mari, fut-il roi de Bourgogne. Ainsi la magnétique Witgar, que d’aucuns prendraient aisément pour une sorcière, fuit-elle son époux et tente de trouver refuge auprès du wali Youssef, dans une Catalogne dominée par les arabes. Mais c’est sans compter sur Guillaume, dit Corb-Nez en raison de son nez crochu et de ses origines juives, seigneur de guerre impitoyable, aussi fort que rusé. Il a pour mission de ramener Witgar à Charlemagne pour qu’elle soit châtiée. Mais son coeur de pierre résistera-t-il aux charmes puissants de la belle duchesse?
Voilà une fresque historique sur le haut Moyen-Âge comme on en lit peu en bande dessinée. Car la période est aride et obscure, et son récit se résume trop souvent à des guerres entre petits rois. On perçoit cette toile de fond belliqueuse dans ce one-shot, mais le scénario de Jerome Charyn (Little Tulip, Marylin la dingue, Bouche du diable…) adapté par Hélène Herbeau, est porté par une trame romanesque riche et judicieuse qui permet d’expliciter le contexte politique – appesanti par les questions de religion, de lignée, de titres – tout en s’attachant à des personnages. Et surtout, le lecteur navigue au coeur des combats et des discussions de cour, sur les chemins de ronde poussiéreux comme dans la boue des chemins. On sent le feu, la sueur, la crasse et la haine, et c’est en bonne partie grâce aux peintures d’Emmanuel Civiello (La Graine de folie, Rayons pour Sidar…), denses, chargées, pleines de détails et de mouvements, évoquant à la fois les enluminures médiévales et des tableaux plus tardifs représentant les exploits des monarques passés. Ses scènes de combat sont sauvages et charnelles, ses scènes de banquet ou de nuit ne le sont guère moins. Dommage que cet extraordinaire travail graphique soit entaché d’un lettrage standard assez vilain.
Mais fort de ces planches impressionnantes et de cette ambiance totale, on accepte les élans chevaleresques – littéralement – et les grands sentiments, les envolées quasi lyriques et les outrances. Car la période y est propice et les auteurs ont su en extraire la moëlle pour leur épopée grandiloquente. Chapeau.
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