Né en Belgique en 1914, Julio Cortázar a grandi en Argentine où, lecteur précoce et insatiable, il s’est forgé un monde magique de mots, pour un peu échapper à son quotidien morne et à sa santé fragile. Brillant, il devient professeur alors que d’autres jeunes de son âge n’ont pas encore quitté l’école, et forge peu à peu son engagement politique – à gauche toute. En 1946, à Buenos Aires, Jorge Borges publie sa première nouvelle. Puis, c’est Paris, le jazz, la poésie, l’Europe, les voyages. Jusqu’au succès mondial qu’est son roman Marelle.

D’une structure linéaire, cette biographie d’un des plus grands écrivains sud-américains de la littérature moderne n’ennuie pourtant jamais. Car le scénariste a su choisir entre les événements qui comptent, dans la vie publique comme privée de l’auteur, et tisser autour d’eux un petit univers cérébral coloré et mouvant. On suit donc le parcours de Cortázar, ses rencontres, ses amours, ses productions, conté par une voix off discrète et élégante, et quelques rares dialogues, souvent issus d’interviews d’archives. Et on se laisse alors porter par un dessin assez hypnotique, d’une ligne noire fine comme un rasoir, découpant des zones de noir profond dans une matière charnelle. Visage, décor, détails, songes ou lieux réels passent à la moulinette de ce graphisme mouvant, comme vu à travers un prisme déformant, un peu comme si José Munoz et Olivier Schrauwen, un soir d’ivresse, étaient parvenu à synthétiser leur dessin. Dégradés vibrants, aérographes subtils, jeux de contrastes, les couleurs apportent beaucoup d’émotions à l’ensemble, et donnent à chaque chapitre une identité propre. Marc Torices, le dessinateur, n’a que 30 ans : c’est un talent rare à suivre de près.