« Couleur de peau : miel », le parcours tendre et réaliste d’un Coréen adopté
En Corée, depuis la fin de la guerre en 1953, 200 000 enfants ont été adoptés à travers le monde. Parmi eux, Jung, arrivé à l’âge de six ans dans une famille belge.
En 2007, il publiait Couleur de peau : miel, premier volume d’un diptyque dessiné autobiographique. Avec le journaliste Laurent Boileau, l’auteur s’est attelé à l’adaptation de son œuvre sur grand écran. Comme la BD, le film relate quelques moments clés de l’enfance et de l’adolescence de ce déraciné, ni tout à fait asiatique — un séjour tardif dans son pays d’origine le rend étranger à ses semblables —, ni tout à fait occidental (ses camarades de classe le renvoient en permanence à sa singularité physique). Le spectateur voit son arrivée en Belgique, la réaction de sa fratrie, son adolescence chaotique…
Docu animé dans la veine de Valse avec Bachir d’Ari Folman, ce long-métrage mêle prises de vues réelles (archives historiques et familiales, documents récents) et séquences animées. Ces dernières font la jonction entre les divers événements narrés et reconstituent, par le prolongement de vidéos authentiques, des souvenirs non filmés. Si l’animation apparaît un peu moins raide que la rotoscopie (une technique utilisant les contours d’une figure filmée en prises de vues réelles, puis redessinés image par image) employée par Ari Folman, le rendu hybride choisi (une animation 3D avec rendu 2D de textures rappelant le trait de Jung) reste perfectible. Soulignant ainsi le budget limité du projet, compensé toutefois par la joliesse de la réalisation et des tonalités sépia séduisantes. La technique se met surtout au service d’une histoire profondément sensible, qui n’occulte rien de la dureté de l’existence éprouvée par Jung au cours de ses premières années.
L’artiste déclare par ailleurs vivre le dessin comme une thérapie : « Je ne suis pas naturellement doué en dessin, explique-t-il. J’ai appris à dessiner parce que j’avais quelque chose à raconter… Vers l’âge de quinze ans, j’ai découvert la série Jonathan de Cosey. Cette BD m’a marqué par sa puissance émotionnelle. Et c’est aussi l’histoire d’une quête d’identité : un Suisse amnésique se retrouve au Tibet et cherche qui il est. Cela m’a ouvert plein de perspectives à une époque où je n’étais pas bien dans ma peau. »
Et pour cause : l’intégration de Jung était alors freinée par une société peu métissée, et par son attitude rebelle. Le jeune homme mentait, décevant ses parents et s’éloignant peu à peu de ses frères et sœurs. L’ado en crise peinera à trouver ses marques, à devenir un homme. Via ce film sur l’acceptation de la différence, le duo de réalisateurs véhicule un message simple mais pas simpliste, émouvant mais pas mièvre. Et retrace un destin singulier, attachant.
Gersende Bollut
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Couleur de peau : miel
Par Jung et Laurent Boileau.
Long-métrage d’animation. Durée: 1h15.
En salles le 6 juin 2012.
Images © Gebeka Films.
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