Crénom, Baudelaire ! #2



Dominique et Tino Gelli poursuivent la traduction en BD de l’œuvre de Jean Teulé Crénom, Baudelaire !, avec un deuxième volet marquant au sein de la trilogie. Fort d’un graphisme expressionniste d’une cruelle beauté, ce volume se concentre sur l’écriture des Fleurs du Mal, œuvre destinée à transformer à jamais la poésie française, et le procès qui en a découlé, qui ne manquera pas de nous rappeler des polémiques plus contemporaines. Après tout, l’art peut-il vraiment exposer ce que l’âme humaine a de plus obscur ?
Baudelaire, tiraillé entre son talent et le chaos de sa vie personnelle, oscille entre ses passions obscures. Bien qu’abordée lors du premier tome, ici la relation orageuse avec Jeanne Duval prend une place majeur dans la vie du poète. Elle alimente ses vers, tandis que les dettes et la dépendance aux opiacés le consument. Dandy incorrigible, il fréquente les salons parisiens et croise les colosses de son époque – Gautier, Flaubert et Delacroix – tout en nouant des liens tendus avec ses éditeurs et une correspondance poétique enflammée avec une muse angélique, aux antipodes de Duval, Apolline Sabatier. Au cœur de l’ouvrage se situe la création tortueuse de son « bouquet d’enfer », les fameuses Fleurs du mal, puis son procès pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs », avec en tête de liste l’accusation de glorifier vices et perversions.
Loin de glorifier son personnage ou d’en faire une victime des circonstances, les auteurs continuent de dresser le portrait d’un artiste provocateur, conscient de son inexorable descente aux enfers. Chevelure teintée, sourcils rasés, boucles d’oreilles… Son quotidien est une danse effrénée parfois difficile à suivre. Sur le plan graphique, Dominique et Tino Gelli livrent une adaptation flamboyante. Tandis que Dominique croque un Paris de profundis en pleine transformation haussmannienne, Tino enrichit le récit d’illustrations picturales semi-abstraites, donnant corps aux vers de Baudelaire. Fort d’un cadrage jouant sur la suggestion et les rapprochements visuels, l’album évolue, du début jusqu’à la fin, sur un double registre symbolique, qui réjouira les amateurs d’allégories et de double (voir triple) lecture. Un hommage à la hauteur du poète maudit.
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