Par Jean-Baptiste B et Johanna Sebrien. Actes Sud/L’An 2, 19,50€, le 5 septembre 2012.

En 1942, Maurice Papon est secrétaire général de la préfecture de Gironde. À Bordeaux, Arthur, qui vit une histoire d’amour clandestine avec Isabelle, échappe de justesse à la rafle de sa famille. Hanté par cet événement, il consacrera la quasi totalité de sa vie à découvrir ce qui est arrivé à ses parents et à faire condamner les coupables.

Contrairement à Maüs, dans lequel Art Spiegelmann racontait les souvenirs de son père prisonnier d’Auschwitz, ici l’histoire d’amour de ce jeune juif est fictive. Elle est un prétexte pour retracer la brillante carrière du haut fonctionnaire Papon après la chute du régime de Vichy, la révélation par Le Canard Enchaîné, le 6 mai 1981, pendant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, de sa responsabilité dans les déportations («Quand un ministre de Giscard faisait déporter des Juifs»), et sa condamnation 17 ans plus tard pour complicité de crimes contre l’humanité. Une affaire judiciaire qui met en lumière la «bureaucratie criminelle» de l’époque en France.

Malgré la densité du sujet, le livre réussit le pari d’être riche et fluide à la fois. On imagine le dur travail de sélection des informations qu’a dû opérer la scénariste, Johanna Sebrien, auteure d’un mémoire en sciences politiques sur l’affaire Papon. Les allers-retours d’une époque à l’autre sont toujours pertinents, les extraits du procès bien choisis et la quête de vérité d’Arthur décrite de façon très épurée pour la rendre plus réaliste. Un scénario qui peut compter sur Jean-Baptiste Bertholom, dont le graphisme en noir et blanc, froid et presque photographique sied tout à fait au récit.

Crimes de Papier est le premier récit graphique de ces deux auteurs. Un beau témoignage et une piqûre de rappel nécessaire de ce sinistre épisode de l’Histoire de France.

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