Croisette
Par Joann Sfar. Delcourt, 27,50 €, le 7 mai 2008.
Il s’est embarqué dans l’aventure à la demande de Gilles Jacob, patron du Festival de Cannes, désireux de le voir croquer sa manifestation. En mai 2007, Joann Sfar s’installe sur la Côte d’Azur, engoncé dans un smoking et rongé par un sentiment d’imposture cinéphilique. Un journaliste le prévient : « En milieu de festival, tu vas faire une déprime, comme tout le monde. » Mais c’est immédiatement que la virée cannoise prend des allures de cauchemar. L’auteur de Klezmer se dit « triste et paumé », rencontre pléthore de « personnages » intéressants, mais manque cruellement de « dramaturgie » pour livrer un travail satisfaisant. Alors, au fil des 236 pages de Croisette, il esquisse librement des portraits de comédiens, réalisateurs, critiques ou spectateurs. Se moquant parfois de son incapacité à les rendre ressemblants. Il se laisse séduire par Jacques Vergès, présent pour le documentaire que Barbet Schroeder lui a consacré. S’attarde sur Sergio Castellito – qui apparaît terriblement prétentieux -, s’enthousiasme pour la leçon de cinéma dispensée par Pascale Ferran et Marilyne Canto. C’est que Sfar s’apprête à devenir cinéaste : avec l’adaptation animée du Chat du rabbin, celle de La Mécanique du cœur (le roman de Mathias Malzieu, chanteur de Dionysos), mais aussi un film sur Gainsbourg, joué par des acteurs en chair et en os. À la fois terrorisé et excité par cette perspective, il livre une analyse truculente de son état d’esprit, plutôt qu’une description de son sujet d’étude.
Laurence Le Saux
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