Daniel Blancou rouvre les camps de Harkis
Loin de ses fantaisies philosophico-humoristiques Albert le magnifique et Être riche, Daniel Blancou revient avec un album très personnel. Dans Retour à Saint-Laurent des Arabes, il recueille le témoignage de ses parents, jeunes instituteurs à la fin des années 1960, dans un camp de Harkis du Sud de la France. Une expérience humaine forte et déstabilisante, au contact de populations déracinées et rejetées partout, des Algériens persécutés par les indépendantistes et considérés comme étrangers par les Français de métropole. L’auteur de 35 ans installé en Alsace revient pour BoDoï sur la création de ce superbe et poignant album documentaire, un genre nouveau pour lui mais qu’il n’a sans doute pas fini d’explorer.
Avant de commencer à travailler sur ce livre, vos parents vous avaient-ils raconter ces neuf ans passés à enseigner dans le camp de harkis de Saint-Maurice-l’Ardoise ?
Oui, il n’y a jamais eu aucun tabou, ni aucune gène sur ce sujet. Mon frère a vécu ses premières années là-bas, je suis né peu après sa fermeture. Mais quand mes parents en parlaient, c’était plutôt pour se rappeler les bons souvenirs de la vie avec les habitants du camp.
Pourquoi faire un livre de cette histoire ?
Mon envie est née petit à petit, il y a cinq ans déjà. Si on dit souvent que les Harkis sont les oubliés de l’Histoire, ceux qui ont travaillé dans les camps, on n’en parle vraiment jamais. Ma première motivation était là. Mais tout était encore très flou, je ne me projetais pas encore dans un livre concret. Ensuite, j’ai voulu rendre compte de la manière la plus précise possible de la vie des résidents du camp. Pour ne pas me disperser, j’ai décidé de rester focalisé sur le témoignage de mes parents. Et un sujet dans le sujet est né : leur prise de conscience de la situation qu’ils vivaient, et l’engagement humain et citoyen qui en a découlé.
Quel regard vos parents portent-ils désormais sur cet épisode de leur vie ?
Ils expriment des sentiments mêlés. Ils ont des bons souvenirs de leurs relations avec les familles, les enfants. Ils ont d’ailleurs gardé contact avec des anciens élèves. Mais ils ne peuvent nier leur honte face aux conditions de vie misérables que les Harkis étaient obligés de supporter. On retrouve aussi des sentiments mélangés chez les résidents, entre les anciens qui se sont attachés à ces lieux de vie et les enfants qui voulaient partir et faire fermer le camp.
À quel moment vos parents se rendent enfin compte qu’ils travaillent dans une sorte de « réserve d’Indiens », où les Harkis sont quasiment retenus prisonniers ?
Il n’y a pas de moment précis. Cette prise de conscience s’est faite petit à petit; comme ce jour où ils reçoivent un ami, qui décide de faire un tour seul dans le camp et se fait contrôler par des militaires… Mais il faut se souvenir qu’à l’époque, et jusqu’à récemment, on ne parlait pas de guerre d’Algérie, mais d’ « événements ». Qu’elle était terminée depuis moins de dix ans. Que la contestation de Mai 68 était juste sur le point d’éclater… Et puis, tout était présenté comme une évidence, l’administration ne laissait pas la possibilité de se dire que ça pourrait être autrement… Bien sûr, je trouve ça fou que mes parents n’aient pas réagi plus tôt, et en même temps, je comprends.
Comment avez-vous travaillé pour reconstituer le camp, aujourd’hui détruit ?
Ce fut une étape très technique, car s’il subsiste des documents écrits sur ce camp, il n’existe en revanche presque aucune photo. Il a fallu que j’imagine les hors-champs, que je passe du plan à la perspective (à partir d’un plan militaire, qui comportait des erreurs)… Et surtout, j’ai interrogé précisément mes parents, ainsi que des anciens élèves. La bande dessinée est sans doute le meilleur outil pour permettre cette reconstitution visuelle, pour être le plus précis possible.
Vous avez aussi opté pour un dessin réaliste, éloigné de vos précédentes oeuvres…
Je m’étais déjà essayé à ce style dans des planches publiées dans la revue Lapin et il s’est imposé pour ce récit, car je souhaitais être au plus proche du réel et trouver le ton juste. Je me suis donc jeté à l’eau, mais avec plaisir, car j’ai eu l’impression de réapprendre à dessiner !
C’est aussi votre premier documentaire en BD. Quelles sont les principales difficultés de cet exercice ?
Le documentaire est très compliqué à réaliser, pour plusieurs raisons. D’abord, il faut être juste, ne pas dire n’importe quoi. On passe donc un long moment – la majeure partie du temps de création – en lectures, en rencontres, en recherche de documentation… En plus, il est difficile de convaincre un éditeur d’avancer suffisamment d’argent à un auteur débutant, sans être sûr du résultat final… La bourse du CNL m’a bien aidé, pour prendre le temps de ces recherches. Ensuite, il y a la construction scénaristique du récit, que le lecteur ne voit pas forcément au final, mais qui n’est pas évidente. Il faut organiser le discours de chacun, jouer sur les allers-retours temporels, trouver la bonne façon de se mettre en scène, représenter mes parents à l’époque (on ne faisait pas autant de photos que maintenant!)…
Êtes-vous prêt à retenter l’expérience ?
Oui ! Car sortir, rencontrer des gens, se frotter à la réalité est très excitant. Et je pense qu’il y a une vraie dynamique en ce moment pour le genre documentaire en BD. Les éditions Delcourt le sentent et je sais qu’elles me soutiendront dans cette voie. Mais je vais d’abord faire une bande dessinée d’aventures, très premier degré, toujours pour Delcourt, car il faut aussi éviter l’effet de saturation.
Quelle a été la réaction de vos parents et des anciens du camp par rapport à votre démarche ?
Au départ, mes parents avaient du mal à imaginer ce que pourrait être un tel livre… et moi aussi d’ailleurs ! Mais quand je leur ai montré les premières planches, ils ont été séduit et leur enthousiasme a grandi au fur et à mesure qu’avançait le projet. Quant aux anciens élèves que j’ai rencontrés, ils ont été aussi très emballés. Il y a beaucoup d’enfants de Harkis qui sont encore dans la révolte. Les discours officiels sont importants dans la reconnaissance des événements, mais ils sont souvent politiquement opportunistes. Mon livre a aussi pour but de raviver les souvenirs, d’entretenir la flamme.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Retour à Saint-Laurent des Arabes.
Par Daniel Blancou.
Delcourt/Shampooing, 14,95 €, le 14 mars 2012.
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Images © Daniel Blancou / Guy Delcourt Productions – Photo DR
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DEVOIR DE MEMOIRE
hocine le combat d’une vie par croaclub
lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l¹époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l¹Ardoise, ceinturé de barbelés et de
miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l’ isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd’hui se décide à parler.35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat
Et pour compléter le documentaire, réécoutez sur SUD RADIO, « podcasts » l’émission du 8/11/11, de Karim Hacene, Enquêtes et Investigations, sur les harkis le camp de saint maurice l’ardoise
Sur radio-alpes.net, Infos Générales – Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13)
Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone…émotions et voile de censure levé ! Les Accords d’Evian n’effacent pas le passé, mais l’avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)
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DEVOIR DE MEMOIRE
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En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l¹époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l¹Ardoise, ceinturé de barbelés et de
miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l’ isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd’hui se décide à parler.35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat
Et pour compléter le documentaire, réécoutez sur SUD RADIO, « podcasts » l’émission du 8/11/11, de Karim Hacene, Enquêtes et Investigations, sur les harkis le camp de saint maurice l’ardoise
Sur radio-alpes.net, Infos Générales – Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13)
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