Dans la valise de… Gwen de Bonneval
« Dans la valise de… », Saison 3 ! Que lire, écouter, regarder, admirer pendant l’été ? En juillet et août, les auteurs et autrices de bandes dessinées vous confient leurs coups de coeur, récents ou non, en matière de BD, roman, série, film, disque, exposition, spectacle, ou toute autre forme artistique. Après Olivier Jouvray, nouvelle étape avec Gwen de Bonneval, co-scénariste du Dernier Atlas, des Racontars arctiques ou dessinateur de Polaris, la nuit de Circé.
Un livre
Cataclysmes (chez Payot). L’épopée de l’Humanité racontée par un spécialiste d’Histoire globale et mondiale… Rien que ça ! L’entreprise est ambitieuse et pourrait paraitre périlleuse, voire prétentieuse. Pourtant, l’écriture fluide, érudite, simple et précise de Laurent Testot, m’a permis de plonger dans ce grand récit holistique sans grande difficulté, et a provoqué chez moi de nombreux déclics. Plus encore qu’avec le Sapiens de Yuval Noah Harari, une multitude de pièces de puzzle se sont assemblées dans mon cerveau à la lecture de ce polar existentiel… dont on ne connait pas encore la fin ! Car c’est une histoire dont « Singe » est à la fois le héros et le criminel. D’ou vient l’être humain, quelle est sa destinée ? Homo suspense.
Un roman
Aujourd’hui, deux visions du monde s’opposent… Sur une planète aux ressources limitées, la haute technologie et le biologique ne paraissent pas pouvoir cohabiter ad vitam. Dans Le Vivant, Anna Starobinets (Pocket SF) fait cohabiter ces deux destins a priori incompatibles. Dans son roman, la très haute technologie semble rejoindre les principes qui régissent le vivant. Elle imagine un futur lointain dans lequel les humains sont interconnectés et où la mort n’existe pas. Dans ce monde ultra-surveillé, « parfait », glaçant, les individus se réincarnent en un cycle infini… Pourtant, un jour, un homme surgit de nulle part, naît « sans code ». Et la vie vient bousculer le vivant. Pour l’anecdote, j’ai eu la chance de présider le jury qui a décerné le prix du roman au festival de SF des Utopiales en 2016 !
Une bande dessinée
Pendant longtemps seul livre publié en français de Yoshiharu Tsuge (précurseur de la « bande dessinée du moi »), par les éditions Ego comme X en 2004, L’Homme sans talent était indisponible depuis quelques années… Chaque fois que j’en dénichais un exemplaire, je m’empressais de l’acheter pour l’offrir à quelqu’un. L’auteur, qui s’est retiré de la vie publique, a longtemps refusé que ses oeuvres soient traduites. Il a récemment changé d’avis, je serais curieux de savoir pourquoi. On peut donc de nouveau lire L’Homme sans talent grâce à la nouvelle publication effectuée par les éditions Atrabile. Merci à eux ! Et merci aussi aux éditions Cornelius, qui entreprennent de traduire et publier une anthologie de cet immense auteur. Un premier recueil d’histoires courtes est d’ores et déjà paru cette année : Les fleurs pourpres.
L’Homme sans talent, véritable chef d’œuvre, me touche profondément à chaque lecture. Par petites touches, sans démonstration, il raconte la vie d’un homme « inutile » ne sachant pas convenablement gagner sa vie. Officiellement, cet homme cherche à subvenir aux besoins de sa famille. D’une certaine manière, il cherche à assumer ses devoirs et à trouver une place dans le monde contemporain. Mais tout ce qu’il entreprend est, en germe, voué à l’échec. Sa femme, qui n’est pas dupe, lui met constamment la pression. Sa nature profonde est à la fois poétique et pragmatique, il ne me semble pas avoir d’autre ambition que « d’être au monde » ici et maintenant. Quand je pense à L’Homme sans talent, la citation de Jiddu Krishnamurti me revient à l’esprit : « Ce n’est pas signe de bonne santé que d’être bien adapté dans une société malade. »
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