Dans les eaux glacées du calcul égoïste #1
Alors que la France panse mal les blessures de la Grande guerre, le tout Paris s’affole autour d’artistes exubérants et révolutionnaires : les surréalistes. Chez les riches mécènes Marie-Laure et Charles de Noailles, se pressent les grands esprits de la décennie : Cocteau, Dali et Buñuel. Ces deux derniers se lancent alors un défi fou : créer un film, encore plus dérangeant, encore plus transgressif, autant sur le fond que sur la forme, qu’Un chien andalou. Ce projet n’est pas du goût de tout le monde et les renseignements généraux surveillent de près ces artistes, considérés comme de véritables activistes semeurs de troubles. C’est le rôle de Victor, gueule-cassée et rescapé de la guerre. Il va s’infiltrer dans ce milieu, au risque, entre deux volutes d’opium, de se retrouver happer par ce monde fait de passion, de violence et d’érotisme.
Lancelot Hamelin, dramaturge, romancier et journaliste, signe une histoire à la fois ambitieuse et originale pour sa première BD. Si la grande Histoire est présente, elle n’est jamais envahissante, habillant le propos sans prendre le dessus. Les artistes sont incarnés, habités et passionnés, les seconds rôles aussi : Victor, les Noailles ou encore Nathalie Paley, muse de Cocteau. Rien n’est laissé au hasard dans ce bal de dupes où chacun est défini avec soin. L’intrigue est piquante : de par l’essence même de ce film mystérieux, qui se nomme L’Âge d’or, diffusé sous le manteau sous le titre de Dans les eaux glacées du calcul égoïste, expression empruntée à Karl Marx.
Le trait de Luca Erbetta (Roma, Gaijin, Sarrasins!…) est élégant, tout en volupté. Les portraits sont réalistes, plantant nos artistes dans leur physique de l’époque. On regrette seulement une colorisation aux dominantes jaunâtres qui donne aux personnages un aspect souffreteux difficilement justifiable.
Une BD envoûtante, à l’intrigue complexe, dont on espère que les nombreuses questions en suspens trouveront une réponse dans le second volume.
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