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Daphné Collignon dans les pas d’une correspondante de guerre

18 mars 2009 |

daphne_intro.jpg« Ce livre a changé beaucoup de choses dans ma vie. » Daphné Collignon, 32 ans, parle avec émotion et pudeur de la création de Correspondante de guerre, une bande dessinée à fleur de peau, évoquant le parcours de la journaliste Anne Nivat. Cette dernière a couvert des conflits en Tchétchénie ou en Irak, au plus près des habitants, sous les bombes. Elle en a ramené plusieurs livres, dont Chienne de guerre ou, plus récemment, Bagdad zone rouge. Transposé en bande dessinée, ce parcours atypique n’est toutefois pas un hymne au grand reportage. Plutôt un double portrait, en miroir, d’une journaliste de terrain en quête de vérité, et d’une dessinatrice qui se cherche. Œuvre originale et touchante, Correspondante de guerre oscille entre BD, journal intime et interview dessinée. Daphné Collignon revient sur cette rencontre qui l’a marquée pour longtemps.daphne_anne.jpg

Comment est née l’idée de Correspondante de guerre ?
Lors de la création de mon précédent livre, Cœlacanthes, j’évoluais dans un univers très intime, je vivais dans ma bulle. Or je voulais sortir de ça, aller dans une direction totalement opposée. Quand j’ai découvert le travail de la journaliste Anne Nivat, j’ai été fascinée par sa capacité à parler de ce qui l’entoure.

Qu’est-ce qui vous a tant attirée chez elle ?
Son énergie quand elle prenait la parole dans les médias, son côté humain. J’ai d’ailleurs été beaucoup plus captivée par sa personnalité que par ce qu’elle avait accompli…

Le sujet du journalisme vous tenait-il particulièrement à cœur ?
Pas exactement, puisque je ne suis pas une accro des infos, je ne les suis pas tous les jours. J’ai toutefois passé pas mal de temps au Maroc, et me suis rendue compte sur place que l’image de ce pays véhiculée par les médias français était biaisée. Notamment, dans leur manière de parler de l’Islam, trop souvent assimilée au terrorisme. Je pense que cette étrange circulation de l’information est fondée sur une mauvaise compréhension de nos cultures respectives. Pourtant, il suffit de se rendre sur place et de rencontrer les gens pour faire tomber les barrières des a priori… La démarche d’Anne Nivat s’inscrit dans ce cadre, et c’est cette dimension du journalisme qui m’intéressait.

Vous semblez être très différentes l’une de l’autre. Pourtant, vous vous rejoignez sur un point important : la volonté de raconter des histoires.
Anne et moi avons finalement une sensibilité assez proche, et nous aimons toutes deux écouter les gens raconter leurs histoires. De son côté, Anne s’installe dans le monde réel et souhaite écrire des histoires vraies, en collant au plus près des faits.daphne_pl05p.jpg daphne_pl34p.jpgDe mon côté, je me situais jusqu’ici plutôt dans le registre du conte.

Comment avez-vous déterminé la forme de votre BD, qui enchaîne monologues, séquences d’interviews, et extraits de livres ?
Au départ, le choix n’a pas été évident. J’ai eu du mal à prendre conscience que c’était surtout la personnalité d’Anne Nivat qui m’intéressait, plus que son parcours. Peu à peu, l’idée d’un portrait s’est imposée.

Mais vous ne la dessinez que très peu sur les lieux de ses reportages…
Je ne voulais pas en faire une super-héroïne. Anne et moi étions d’accord là-dessus : il fallait avant tout expliquer sa démarche. Le paradoxe, c’est qu’en lisant ses livres je ne voulais pas parler de ce qu’elle décrivait : la guerre, la Tchétchénie, l’Irak… Je ne connaissais pas ces pays, je n’ai pas vécu ces situations. Je ne pouvais donc pas faire de BD reportage ! J’ai dû jouer avec ces contraintes. J’ai choisi un traitement très expressionniste pour mettre Anne en scène sur le terrain. Tout en gardant le texte de ses livres, afin de rester au plus près d’elle et bien faire sentir la violence des situations qu’elle a vécues. À l’inverse, j’ai décidé de montrer les séquences d’interview comme elles se sont déroulées, dans un café parisien, avec mes questions et les réponses d’Anne. Cela permettait de la voir telle qu’elle est vraiment, de ne pas l’idéaliser. Et d’inviter le lecteur à la découvrir en même temps que moi.

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Vous vous mettez d’ailleurs beaucoup en scène dans l’ouvrage : on y suit vos rencontres avec Anne Nivat et vos réflexions personnelles, comme notées sur un journal intime… Pourquoi ?daphne_carnet.jpg
L’un de mes objectifs était que le lecteur puisse s’identifier à un personnage, pour faciliter son implication. Ça ne pouvait pas être Anne, a priori trop différente de lui. Je me suis donc glissée dans ce rôle, et me suis mise en scène : mes interviews avec Anne, ma propre réflexion sur son travail et le mien. Bien sûr, j’ai eu peur que l’on me reproche d’être égocentrique. D’autant que je doute beaucoup et ne souhaite pas imposer de certitudes. Je me suis beaucoup interrogée sur le parcours et la personnalité si mouvante d’Anne Nivat, et j’imagine que les lecteurs peuvent le faire aussi. Voilà pourquoi je me suis incluse dans ce livre, avec mes questions et mes craintes.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Correspondante de guerre.
Par Daphné Collignon et Anne Nivat.
Soleil, 15,95 €, le 11 mars 2009.

Une partie des recettes de l’album sera reversée à Reporters sans frontières. Alors, achetez-le sur Amazon.fr.

+ d’infos sur nouvellesBD.com

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Images © Daphné Collignon – Soleil; Photo © Raphaël Sarfati

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