Tabassé dans la rue par deux inconnus à la nuit tombée, Paul Dini, scénariste émergent des studios Warner à l’époque, doit se reconstruire. Lui le gosse invisible, calme et solitaire, trouvait dans le dessin et la musique ce qui le mettait en valeur. Raison pour laquelle, adulte, il imagine des mondes peuplés de personnages excentriques ou puissants. Parmi eux, l’un le marque plus que les autres : un croisé en cape nommé Batman…

Paul Dini (Mad Love, Harley Quinn) livre dans Dark Night, une histoire vraie, un récit autobiographique sincère, marqué par un événement douloureux et traumatisant – une agression arbitraire. Touché dans sa chair et hanté par son souvenir, il veut réapprendre à vivre malgré les blessures, mentales ou physiques. Sa bouée de sauvetage ? Toute une mythologie liée au Dark Knight, avec laquelle il dialogue, s’interroge ou se remet en question. Son rapport aux femmes, sa dépression, ses angoisses, sa solitude, il les partage avec ces êtres de papier, autant de membres de sa famille désormais. Les questionnements existentiels alternent ainsi avec des mises en scène entre Dini et ses héros : ils le bousculent, pointe ses errements ou son hypocrisie, tentent de l’encourager pour repartir de l’avant.

Si les textes se répètent parfois dans ce qui reste un comics intimiste touchant, la réussite de l’album tient pour beaucoup aux choix graphiques d’Eduardo Risso, le dessinateur argentin, qui insufflent rythme et introspection dans un registre où on ne l’attendait pas. On retrouve ses magnifiques ambiances de clair-obscur vues dans le chef-d’œuvre 100 Bullets mais aussi une approche plus picturale, superposant trames et couleurs selon les époques et les personnages. Un régal visuel ! Moins pesant que son frère C’est un oiseau, Dark Night une histoire vraie raconte un drame personnel pour mieux en explorer la mécanique et les issues. Ou l’art et la création comme élans salvateurs.