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David Cren et Renaud Cerqueux analysent leur « Syndrome »

10 janvier 2011 |

syndrome_introTrois tueurs ont été chargés de retrouver un pauvre type à qui l’on a tranché la langue et gravé sur le front le nombre « 21. » La poursuite de cet inconnu aux cheveux gras conduira nos sombres individus sous le feu des projecteurs de Las Vegas, où se pavane une armée de sosies d’Elvis Presley… Ainsi pourrait-on tenter de résumer la trame du Syndrome de Warhol, one-shot rock’n roll et débridé, fraîchement sélectionné pour participer à la compétition officielle du Festival d’Angoulême. Ses auteurs David Cren (graphiste de formation) et Renaud Cerqueux (écrivain, professeur d’anglais, traducteur, auteur-compositeur…), à qui l’on devait déjà un premier Dérapage (Rackham, 2005), reviennent sur la genèse et les ambitions du fruit de cette seconde collaboration.

syndrome_herosPourquoi et comment en êtes-vous arrivés à faire de la bande dessinée ?
David Cren : Pour devenir riche et célèbre…
Renaud Cerqueux : Par hasard. J’avais écrit quelques textes pour la jeunesse. J’ai proposé à David de les illustrer, il m’a répondu que ça ne l’intéressait pas, mais qu’il aimerait faire de la BD. Je ne lisais pas de bande dessinée à l’époque, mais j’ai dit oui. Je voulais voir de quoi j’étais capable.

Comment est née l’idée de ce projet ?
R.C. : Tout est parti d’une vision, assez proche de la page 18 du Syndrome (ci-contre). J’ai commencé à réfléchir à ce que je pouvais en faire. Au début, je voulais écrire un livre sans texte, l’errance d’un gros type ressemblant vaguement à Elvis et roulant en Cad sur le Strip à Las Vegas. J’en ai parlé à David, il a trouvé l’idée intéressante et on en est restés là. Ce n’est qu’un an plus tard qu’il est revenu à la charge. Le projet avait germé dans sa tête et on a décidé de se lancer. Comme pour Dérapage, on a écrit le scénario à quatre mains ; c’est un processus dynamique que j’aime beaucoup, qui a quelque chose de rassurant et d’enthousiasmant.

Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
D.C. : Hugo Pratt et Tardi. Et un dessinateur américain que j’adore, Wallace Wood. Suicidé. Un loser magnifique, comme je les aime.
R.C. : Difficile d’affirmer que je n’ai pas pensé à l’intro de Reservoir Dogs pour les premières pages. Pour le reste, en dehors de l’Evangile selon Saint-Jean, rien. Même si, avec le temps, je découvre çà et là des détails de certains films ou certains romans qui, de toute évidence, ont influencé le Syndrome. On peut vraiment parler d’influences, plus que de références ou de sources d’inspiration conscientes.

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Quid du rock’n roll ?
R.C. : Il est présent dans l’album, comme une bande-son, et on fait quelques références à son histoire. En ce qui concerne le Syndrome, c’est à peu près tout. Même si nous apprécions tous les deux le genre, il intervient dans l’album par nécessité logique : compte tenu du personnage central, on ne pouvait pas faire autrement. On aurait sûrement pu raconter la même histoire sur fond de musique classique, en prenant Beethoven comme personnage central… En fait, avec le recul, c’est peut-être ce qu’on aurait dû faire !

Que doit votre BD aux road movies et autres films de série B ?
R.C. : Pour moi, ce n’est pas un road comic, dans la mesure où l’histoire ne se passe pas sur la route, comme dans Dérapage. La route ne joue pas un rôle important ici, elle est avant tout suggérée. Cet album est même principalement sédentaire.
syndrome_uteD.C. : Ce n’est pas une série B, c’est une série A.
R.C. : Les séries B sont réalisées avec de petits budgets alors que le nôtre était illimité : on a une pléiade d’acteurs, des décors de folie et tout ça pour pas un rond… Des séries B des années 70, on en a regardé, bien sûr, mais il faut admettre que, bien souvent, ce sont de mauvais films ! Funs, délirants, sans prétention et, surtout, liés à une contre-culture qui n’existe plus aujourd’hui. Si les films de série B suscitent un certain engouement, avec le succès de Grindhouse, par exemple, je crois que c’est parce qu’ils sont comme des fenêtres ouvertes sur une époque de liberté totale, alors que nous vivons plutôt un âge d’enfermement.
D.C. : Pour nous, il y a de bons et de mauvais films, comme il y a de bonnes et de mauvaises BD.

Vous évoquiez, dans une précédente interview, un second niveau de lecture possible, que le sous-titre du Syndrome de Warhol laisse d’ailleurs entendre…
D.C. : C’est un album très dense, avec beaucoup de personnages, de texte et de subtilités qui n’apparaissent pas forcément lors d’une première lecture.
R.C. : D’un côté, nous voulions simplement raconter une histoire. C’est ce qui compte avant tout, que l’histoire soit bonne. Mais d’un autre, on ne raconterait pas une histoire dont la signification profonde irait clairement à l’encontre de nos convictions. Quand j’ai réfléchi au titre, il a fallu que j’analyse l’histoire, que je comprenne ce qu’on avait fait. Jusque-là, j’étais incapable de résumer l’album : dès que j’en parlais, on me regardait avec de grands yeux. syndrome_ledzepJe comprenais bien que ça paraissait cinglé. Alors, je me suis demandé quel était le moteur de l’action et j’ai réalisé que c’est l’histoire d’un mec qui cherche à reproduire une icône populaire. J’ai tout de suite pensé à Warhol et j’y ai vu une façon d’appréhender la culture qui me convenait. L’originalité de l’œuvre n’est plus une exigence, Warhol l’a prouvé. J’ai l’impression de vivre une époque qui recycle beaucoup d’un point de vue culturel : on conserve la forme, mais l’esprit n’y est plus. Dans une certaine mesure, l’album, de manière délirante, véhicule ce message. Mais c’est ma propre lecture, ma façon de mettre du sens dans ce que je fais. Et d’ailleurs notre histoire s’en passe très bien.

Votre précédent constat ne rejoint-il pas, en un sens, la notion de perte de l’aura des œuvres, telle que théorisée par le philosophe Walter Benjamin dans son fameux essai sur l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ?
syndrome_couvR.C. : Pour reprendre la critique de la reproductibilité de Benjamin, Warhol est le grand démon qui a précipité cette perte et qui a fait de l’œuvre d’art une marchandise « décomplexée », au sens que l’on donne aujourd’hui à ce mot, c’est-à-dire assumant et revendiquant sa médiocrité. Selon moi, cette perte est due à notre rapport au monde et aux œuvres. La marchandisation du réel a sapé les conditions nécessaires à l’appréciation du monde et de l’art. Ce n’est pas de la nostalgie, dans le sens où je ne sais pas si ces conditions ont déjà existé, mais il est sûr que notre époque n’y est pas propice. J’ai parfois l’impression qu’on parle plus du marché de l’art que de l’art lui-même. Un certain magazine dédié aux beaux-arts, à une époque, se vantait d’être le journal des grosses fortunes. Je me demande souvent ce qu’il resterait de l’art, si on lui retirait le marché… Des artistes qui crèvent la dalle sans doute. Et cela vaut aussi pour la BD, la littérature ou la musique.

Envisagez-vous d’autres collaborations ? D’autres incursions dans la bande dessinée ?
R.C. : Pour l’instant, nous n’avons rien de prévu ensemble. Je travaille sur plusieurs projets de BD avec d’autres dessinateurs et prépare un roman qui me tient beaucoup à cœur.
D.C. : Pour ma part, je travaille sur un album. Sortie prévue, fin 2011.

Propos recueillis (par email) par Vincent Delvigne

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Le Syndrome de Warhol (ou la reproduction des icônes populaires à l’infini).
Par David Cren et Renaud Cerqueux.
Editions Desinge & Hugo & Cie, 19,50 €, janvier 2010.

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Images © Cren/Cerqueux/Desinge & Hugo & Cie

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Commentaires

  1. El Gringo

    Bonjour l’actu, ça fait un bout de temps qu’il est sorti cet album, je l’avais lu. C’est très mauvais, faussement underground et vraiment nul, avec ce complexe du corn-flake cher à M.
    Dans l’esprit mais réussi faut mieux lire Santa Riviera.

  2. El Gringo

    Bonjour l’actu, ça fait un bout de temps qu’il est sorti cet album, je l’avais lu. C’est très mauvais, faussement underground et vraiment nul, avec ce complexe du corn-flake cher à M.
    Dans l’esprit mais réussi faut mieux lire Santa Riviera.

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