David Gilson : Bichon, la BD pour tous!
Il y a quelques mois, Bichon débarquait sans faire de bruit dans les rangs de la collection Tchô. Loin des gros muscles de Captain Biceps, des rides et de la sagesse de la gentille Mamette ou des problèmes adolescents de la jeune Lou, ce petit garçon, du haut de ses 8 ans, s’apprête à bousculer les prétendues lois du genre, armé de sa bonne humeur, de sa joie de vivre et de sa sensibilité. En explorant et en mettant en scène cette jeunesse décalée, David Gilson, réussit à créer un personnage qui se joue des clichés et des préjugés. Interview avec un auteur prêt à lutter contre les amalgames et l’intolérance !
Bichon est votre premier album BD. Quel est votre parcours d’auteur ?
Mon parcours en tant qu’auteur dans le domaine éditorial est assez court puisque Bichon est ma première BD dont je suis l’auteur complet. Cependant, j’ai pu participer au collectif Rendez-vous chez Akiléos il y a quelques années; j’ai également travaillé sur plusieurs livres pour Disney Publishing (Raiponce, Rebelle, Les Mondes de Ralph) et je réalise les couvertures françaises du roman d’heroic fantasy Le Pays des Contes de Chris Colfer (l’un des acteurs de Glee) aux éditions Michel Lafon… Avant tout cela, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans le dessin animé, après l’obtention d’un bac littéraire section Arts Plastiques et deux années aux Gobelins. Je me suis spécialisé au fil des années dans la création de personnages, pour les séries Atout 5 chez Eurovisual et L’Odyssée chez Marathon Animation. J’ai aussi participé au design de quelques-uns des personnages du long-métrage de Bécassine, le trésor viking au studio Ellipsanime. Mais j’ai également adapté les personnages de la BD Lou! pour la série animée du studio Go-N Productions et participé à l’animation du personnage de Tarzan (Disney). Et j’ai été chef des personnages sur la série Magic du studio Xilam, entres autres.
Comment est né le personnage de Sacha, le petit héros de la série Bichon ?
Ces dernières années, je souhaitais me lancer dans la bande dessinée, mais j’avais alors des projets différents. Il y a 2 ans, j’avais ouvert un blog regroupant des anecdotes personnelles liées à mon enfance et mon adolescence. On peut dire que c’étaient les prémices de Bichon et que Sacha, c’est un peu moi…
Il y a donc du vécu dans les aventures de Bichon ?
Oui, assurément! Mes expériences, mes souvenirs et mon ressenti sont autant de sources d’inspiration pour cette BD, qui n’est pas pour autant une autobiographie, mais un regard sur mon enfance largement romancé, permettant à Bichon d’exister par lui-même.
Comment avez-vous présenté votre projet aux éditeurs ? Quelles ont été leurs réactions ?
J’ai eu la grande chance d’être approché par le directeur de publication de Tchô la collec alors que je n’avais pas de projet spécifique lié à Bichon et à sa thématique. Jean-Claude Camano m’a donc contacté après avoir vu le blog de « Kido le petit prince gay » que j’avais ouvert (image ci-contre). Il a été charmé par mon approche sur ce personnage sensible et différent et m’a proposé d’en faire une bande dessinée, centrée sur l’enfance de ce garçon un peu particulier et d’explorer les réactions de son entourage au quotidien. Ainsi, j’ai présenté trois planches qui ont achevé de convaincre mon éditeur sans que cela ne pose aucun problème de quelque ordre que ce soit, le but n’étant pas pour Glénat d’avoir une BD gay ou de remplir un quota, mais simplement d’explorer la vie d’un petit garçon sous un angle jamais montré jusqu’alors… Quant à intégrer la bande à Tchô, ce fut un honneur de voir Bichon côtoyer des personnages que j’affectionne particulièrement tels que Lou, Mamette ou Tib & Tatoum par exemple, et d’être aussi bien accueilli par tous les auteurs. Je peux dire que je suis fier de faire partie de cette famille.
Est-ce que la prépublication dans la revue Tchô, disparue depuis, a été un élément important pour évaluer l’accueil des lecteurs ?
C’est difficile de répondre à cette question pour moi, car je n’ai pas vraiment eu de retour pendant cette période. Mais aujourd’hui, je suis surpris de dédicacer mon album pour des enfants qui ont découvert ma BD dans ce magazine! C’est assez touchant et cela me prouve que ça n’a pas été fait en vain. Dommage que Tchô le magazine ait cessé d’exister…
Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer avec cette série ?
À la base, je n’avais pas envisagé les choses sous cet angle et n’avais pas le but de faire passer un message, si ce n’est celui de partager les sentiments et les émotions qu’un enfant que l’on dit différent peut éprouver en grandissant. Mais Bichon a une telle sensibilité que si un message doit en ressortir, c’est celui de la tolérance. Et de la bienveillance… Tout enfant devrait pouvoir se sentir libre d’exprimer ce qu’il est, à l’âge qu’il a et selon sa propre évolution, sans avoir à se soucier des jugements des adultes. Aussi, on croit souvent qu’on est seul à éprouver tel ou tel sentiment, alors qu’on se rend compte en grandissant qu’il n’en est rien. Bichon lui, n’est pas encore à un âge où il se pose des questions sur sa prétendue différence, et le message qu’il véhicule est d’être soi-même et qu’on peut vivre sa différence sans que cela se passe nécessairement mal.
Quels ont été les pièges à éviter pour que cela soit entendu et compris ?
Je n’ai pas eu l’impression de devoir éviter des pièges en particulier pendant que je travaillais sur ce premier album et je ne pouvais pas prévoir que celui-ci sortirait entre les manifs pour tous et la polémique sur la théorie du genre! Mais pour être compris, il faut bien faire la distinction entre le regard porté par un enfant, et celui porté par un adulte, ce dernier pouvant avoir tendance à faire de malencontreux amalgames qui n’ont pas lieu d’être dans ma BD, pourvu que celui-ci puisse se souvenir avec tendresse et sans hypocrisie de sa propre jeunesse. Il faut donc bien comprendre qu’il y a simplement un âge pour tout, mais que pour autant, les enfants ne sont pas idiots et éprouvent eux aussi des sentiments, des émois…
Vous êtes très actif sur la toile, site internet dédié à la série, page Facebook. Quels sont les retours que vous pouvez avoir ?
J’ai à cœur de pouvoir partager avec mes lecteurs et avec les personnes qui me suivent en général et de connaître leur réaction sur Bichon. Et je dois dire que j’ai des admirateurs adorables et que les retours sont tout à fait positifs. Il y a quelques mamans qui semblent particulièrement touchées et se reconnaissent dans celle de Bichon qui soutient son fils, par exemple. J’ai aussi de « grands garçons » qui éprouvent un sentiment de nostalgie et se reconnaissent en Bichon quand ils étaient petits et auraient aimé pouvoir lire une telle BD au même âge que lui. Si mon album peut aider certains enfants d’aujourd’hui à s’épanouir sans ressentir de honte à être ce qu’ils sont, ce serait formidable. C’est un peu la « BD pour tous » comme j’aime à le dire.
Travaillez-vous déjà sur le deuxième album ?
Oui, j’ai commencé les planches du second tome, qui devrait paraître vers la fin de l’année. Nous suivrons Bichon et sa petite famille pendant les grandes vacances d’été. Bichon fera la rencontre d’un petit garçon haut en couleur et qui, pour le coup, ferait passer notre héros pour un petit garçon tout ce qu’il y a de plus ordinaire!
Avez-vous d’autres projets dans la BD ?
C’est encore un peu tôt pour le dire, mais disons que j’aimerais explorer en parallèle d’autres univers que celui de Bichon qui me tiennent à coeur, mais toujours avec le même souci d’insuffler sa « magie d’amour ». Un conte de fées initiatique peut-être…
Propos recueillis par Romain Gallissot
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Par David Gilson.
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