David Polonsky poursuit sa Valse avec Bachir sur papier
En 1982, Ari Folman est envoyé à Beyrouth pour faire la guerre, et assiste aux massacres de Sabra et Chatila. Vingt-cinq ans après, le cinéaste israélien décide de traduire ses souvenirs en images dans le film Valse avec Bachir. Il choisit le dessinateur David Polonsky comme directeur artistique. Ce dernier a ré-endossé ce rôle afin de transposer leur long-métrage en bande dessinée. Il explique le passage d’un médium à un autre.
Comment le dessin animé Valse avec Bachir est-il devenu une BD?
Grâce à un mail de Riva Hocherman, éditrice chez Metropolitan Books à New York. Elle m’a écrit un an avant que le film soit terminé, elle avait eu vent du projet et cherchait à publier des albums denses, au contenu politique. Ari et moi nous sommes dit que c’était une bonne idée : nous voulions voir Valse avec Bachir sur un autre support. Le film est un vrai bordel, un objet turbulent qui mêle le son et la musique, et où beaucoup de choses se passent. La BD nous offrait l’opportunité de délivrer à nouveau notre message, mais de façon plus claire et concise, de façon à ce qu’il atteigne plus facilement le cerveau ! Peut-être qu’en lisant le livre vous ne pleurerez pas, mais vous comprendrez mieux l’histoire…
À quelles difficultés vous êtes-vous heurté en transposant le film sur papier ?
L’absence de son, d’abord. Certaines scènes sont imprégnées de musique, comme celle où les soldats sont sur la plage. Toute cette énergie musicale était impossible à traduire dans l’album. Plutôt que de tenter d’imiter cette ambiance, j’en ai pris le contre-pied, en ralentissant le rythme. Il m’a aussi fallu réorganiser la narration en doubles pages. Pas question d’empiler les scènes les unes à la suite des autres, leur effet se serait annulé. D’autant qu’elles fonctionnent par rapport à l’atmosphère graphique et aux couleurs. Trouver comment les agencer fut un véritable casse-tête ! Alors que je pensais passer trois mois sur le livre, j’ai fini par lui consacrer un an et demi – pas à plein temps toutefois. Heureusement, je n’ai pas eu à refaire beaucoup de dessins. J’ai même utilisé certains croquis préparatoires, comme dans la scène avec les chiens, car ils étaient plus détaillés que les documents finalement utilisés pour le film.
Comment avez-vous connu Ari Folman ?
Un jour, en 2004, Ari m’a appelé. Nous ne nous connaissions pas, mais il cherchait quelqu’un pour animer une série documentaire, The Material that love is made of [Le Matériau dont est fait l’amour]. On y suivait quatre histoires d’amour à différentes période de la vie, qui mêlaient images animées et prises de vues réelles. C’est en réalisant ces épisodes qu’Ari a compris qu’il pouvait traiter ses souvenirs de guerre par le même biais.
Quel a été précisément votre rôle sur le film Valse avec Bachir ?
Pendant trois ans et demi, j’en ai été le directeur artistique. C’est-à-dire que j’ai développé l’approche esthétique de l’œuvre et que j’ai fait la plupart des dessins. Sur ce projet, les animateurs ne dessinaient pas, il se contentaient de manipuler les images. Chaque dessin a été imaginé de façon à pouvoir être divisé en de multiples morceaux, afin de pouvoir être animé le plus facilement possible. Ainsi, le nombre de dessins à réaliser n’a pas été énorme. J’ai principalement travaillé à la maison, dans mon salon !
Comment avez-vous défini le style graphique ?
Il devait être naturaliste, expressif, mais très simple. Il ne s’agissait pas d’être virtuose, mais d’atteindre un certain réalisme. À la différence de Persepolis, qui est un récit beaucoup plus personnel et offre par conséquent une plus grande liberté artistique, Valse avec Bachir porte une responsabilité historique et compile les histoires de plusieurs personnes. Il fallait donc tenter d’être le plus objectif possible.
Quel a été votre parcours avant Valse avec Bachir ?
Ma famille est originaire de Kiev, en Ukraine. En 1981, nous avons quitté l’URSS pour venir nous installer en Israël, à Haïfa. Ma sœur et moi avons toujours été intéressés par le dessin. Nos parents, ingénieurs, nous ont encouragés dans cette voie. Enfant, je voulais devenir explorateur, et écrire des livres comme ceux de l’écrivain et naturaliste Gerald Durrell. Je ne sais plus pourquoi j’ai laissé tomber cette idée, ç’aurait été une activité plus saine que le dessin ! Dans ces deux professions, on retrouve toutefois un goût fort pour l’observation. Après mon service militaire en Israël, j’ai étudié la communication visuelle à Jérusalem et me suis installé à Tel-Aviv – comme tous ceux qui veulent éviter de côtoyer les ultra-religieux… J’ai ensuite fait de l’illustration et de petites animations télévisées, ainsi que des livres pour enfants.
Quels sont vos projets ?
Je travaille sur un film de science-fiction avec Ari Folman. Il est tiré d’un roman de Stanislaw Lem [l’auteur de Solaris], Le Congrès de futurologie. On y traitera entre autres des effets hallucinatoires de la drogue et de la fin du cinéma à Hollywood… Je prépare aussi un livre de recettes. Il me servira d’excuse pour raconter des histoires de juifs soviétiques, qui sont les gens les plus drôles de la Terre !
Propos recueillis et traduits par Laurence Le Saux
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Valse avec Bachir
Par Ari Folman et David Polonsky.
Casterman, 15 €, le 12 janvier 2009.
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DVD disponible le 3 mars (éditions Montparnasse), incluant 10 pages de la bande dessinée, 22,99 €.
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Images © Casterman
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