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David Prudhomme remonte jusqu’au dessin préhistorique

2 mai 2011 |

rupestres_introUn voyage à la fois très personnel et collectif au cœur du dessin. Voilà ce que proposent six auteurs de bande dessinée dans le livre Rupestres. Emmenés par David Prudhomme, surnommé Le Bison, Emmanuel Guibert (L’Abbé), Pascal Rabaté (Le Chafouin), Marc-Antoine Mathieu (Croma), Etienne Davodeau (L’Auroch) et Troub’s (La Belette) se sont rebaptisés le « réseau Clastres » et ont visité plusieurs grottes ornées du Paléolithique du Sud-Ouest de la France. De cette découverte sensorielle et artistique, ils ont tiré « une formidable digestion, un grand tableau désorientant », dixit Marc-Antoine Mathieu. Récit d’une aventure à douze mains par son initiateur, David Prudhomme, auteur notamment de Rébétiko.

MEP_RUPESTRES.inddQu’est-ce que Rupestres ?
C’est un album qui baigne dans un monde un peu flottant, entre bande dessinée et image pure. Il s’agit d’un récit raconté à travers une surimpression de dessins d’auteurs différents, une balade dans laquelle notre petit groupe se met en scène. Nous invitons le lecteur à pénétrer avec nous dans les grottes, puis à entrer dans nos têtes. Nous lui permettons de se trouver très vite face au dessin, alors que sous terre il faut parfois marcher des heures avant de le trouver. Le livre reflète nos impressions brutes, mélangées. C’est une vision kaléidoscopique de ce que chacun imagine et trouve, de nos fantasmes et de leur confrontation avec la réalité.

Comment cette idée est-elle née ?
Elle est issue d’une envie de revenir aux origines du dessin. Comme ce patrimoine est commun, j’ai voulu vivre une aventure collective cumulant les savoirs et les émotions de chacun. Je suis passionné par toutes les formes de dessin à travers les siècles, et j’avais envie de remonter le plus loin possible dans le temps. Le projet de descendre dans ces grottes est plus précisément venu d’un exercice que j’effectue le matin: comme un pianiste fait ses gammes, je copie différentes oeuvres. Un jour, je me suis attelé à des reproductions préhistoriques. D’un coup, j’ai eu l’impression de jouir d’une grande liberté et d’une vraie amplitude du geste, sans les contraintes du style d’un Picasso ou d’un Hergé par exemple. Je me suis dit qu’un tel bien-être devait être partagé ! Mes amis n’ont pas tardé à accepté ma proposition, et j’ai constitué une petite tribu au feeling.

MEP_RUPESTRES.inddComment avez-vous mis l’opération sur pied ?
Une amie archéologue m’a fait profiter de son réseau. En 2008, j’ai programmé des rendez-vous avec des guides pour des visites communes dans le Sud-Ouest. Malgré notre démarche non scientifique, ce petit milieu s’est rapidement ouvert à nous, il était intéressé par la diversité de nos regards.

Concrètement, qu’avez-vous vécu ?
Nous avons arpenté ensemble des boyaux étroits et denses, nous avons mangé ensemble, nous sommes promenés ensemble, avons pensé ensemble dans ces grottes. Et nous avons représenté tout cela avec nos moyens narratifs propres. Sur place, nous copiions, nous faisions des relevés pour ressentir, comprendre la mémoire du geste.

Qu’avez-vous ressenti dans les grottes ?
Quand on est face à ces dessins, l’oeil suit un parcours précis et génère une émotion physique que l’on ne parvient pas à décoder sur le moment. Suivre du regard une ligne de bison sur trois ou quatre mètres, c’est comme un exercice musculaire qui fortifie. Sur les parois des grottes cohabitent des styles graphiques différents, faits à des moments différents. Il est fascinant de constater qu’à 20 000 ans d’écart on utilise le même vocabulaire graphique: des traits, des lignes, des taches… Aujourd’hui, nous ne dessinons plus de bisons ni de mammouths, mais nous partageons un même langage brut, des signaux similaires.

MEP_RUPESTRES.inddDe quelle façon avez-vous réalisé le livre ?
Nous nous sommes rejoints lors d’une résidence dans le Doubs, au cours du « laboratoire de bande dessinée » Pierre Feuille Ciseaux. Nous avons superposé et mêlé nos traits, testé des matières différentes, confronté nos points de vue – les phrases des uns influençant les dessins des autres. J’ai endossé le rôle du chef de chœur, en retranscrivant la partition, et en changeant ici ou là quelques notes. Chacun de nous a joué le jeu, acceptant de ne pas revendiquer tel ou tel morceau du livre: nous avons voulu créer une voix commune, celle du groupe. Le résultat s’apparente à une grande fondue qui fait écho à un grand mystère, en gardant l’anonymat des peintures rupestres.

Qu’avez-vous retiré de l’aventure ?
Une grande confiance, une manière d’appréhender les formes comme un ensemble, et une faculté à aller plus aisément à l’essentiel. J’ai moins peur d’improviser qu’auparavant. J’espère garder cet état d’esprit, mais je sais que les travers reviennent facilement au fil du quotidien.

Quels sont vos projets ?
J’ai envie d’autres voyages à d’autres bouts du monde, avec le groupe. Mais nous n’avons pas d’idée précise de destination. Sinon, après cette incursion dans le Paléolithique, je vais m’intéresser aux 6000 ans d’histoire qui suivent pour la collection co-éditée par Futuropolis et Le Louvre. Je ne sais pas encore quel sera mon angle d’attaque. Pour l’instant, je visite, je regarde les gens…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Rupestres
Sous la direction de David Prudhomme, en collaboration avec Marc-Antoine Mathieu, Etienne Davodeau, Emmanuel Guibert, Pascal Rabaté et Troub’s.
Futuropolis, 25€, avril 2011.

Images © Futuropolis.

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