Daytripper ***
Par Fábio Moon et Gabriel Bá. Urban Comics, 22,50 €, avril 2012.
Quand on rédige chaque jour la rubrique nécrologique du journal, il n’est pas étonnant qu’on finisse par penser à sa propre mort – et donc à son existence passée et à venir. C’est le principe de cet ouvrage qui met en scène l’écrivain et journaliste nécrologique Brás, à différents moments de sa vie, moments où, justement, il aurait pu la perdre. Chaque chapitre se clôt ainsi avec la mort de Brás à différents âges, comme pour imaginer ce que le monde aurait pu retenir de sa trajectoire s’il était décédé à 47 ans ou bien à 79. Poétique, métaphorique ou simplement touchant, ce volumineux recueil de 256 pages évoque tour à tour le coup de foudre, la naissance du premier enfant, la mort du père, la rupture, le bonheur d’être grand-père, la disparition d’un ami, l’accident improbable, la maladie, l’absence, la tendresse… Toutes ces petites choses et ces grands moments qui font la vie d’un homme ancré dans une société.
À quatre mains tant sur l’écriture que sur le dessin, les frères brésiliens Fábio Moon et Gabriel Bá composent ici un portrait sensible et émouvant d’un type plutôt banal, sous la forme d’un puzzle de potentialités. Qu’est-ce qui est vraiment arrivé ? Peu importe, le lecteur pointilleux tentera de démêler le destin écrit de celui fantasmé, mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui compte dans cet album très littéraire dans sa forme, ce sont des dialogues élégamment ciselés et les jolis textes nécrologiques qui évoquent la mort de Brás à la fin de chaque chapitre. Ainsi que le dessin romantique des deux frangins, déjà épatant sur Umbrella Academy – et bien aidé par les couleurs de Dave Stewart, comparse habituel de Mignola. Lauréat du Eisner Award du meilleur récit complet l’an dernier, Daytripper forme donc une bande dessinée qui pourra séduire au-delà des lecteurs réguliers de BD, car elle tient autant du roman (en empruntant ses codes) que du récit graphique (la simplicité et le charme du trait de Moon et Bá sont impressionnants). Et même si on peut lui reprocher un certain maniérisme et une tendance à se regarder un peu le nombril artistique – à la façon d’un Craig Thompson, qui signe la postface d’ailleurs… –, il est difficile de ne pas se laisser envoûter par ce récit qui pourra fonctionner comme un miroir chez le lecteur qui a déjà quelques années derrière lui.
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