Déjà peu fortunée quand le patriarche était en vie, la famille de Serine crie famine maintenant qu’il a trépassé. Et c’est le mariage contraint qui attend la toute jeune femme. Non, non et non, Serine est bien décidée à prendre en main son destin et c’est à la Cour qu’elle entend s’installer. Rien que ça ! Mais, à défaut de posséder de jolies tenues, elle a une arme secrète, la fine Serine : elle sait manier les mots, et même en inventer si besoin ! Et c’est grâce à son audace, son sens de l’improvisation et son empathie qu’elle accomplira son rêve… avant de déchanter. Et de trouver sa voie en tant que fou du roi…

Un album des Kerascoët est toujours une bonne nouvelle. Ce couple de conteurs hors pair, dont les dessins fins et espiègles recèlent une profondeur rare, a fait mouche de nombreuses fois, avec Fabien Vehlmann (Jolies Ténèbres, Satanie) ou Hubert (Miss Pas Touche, Beauté) au scénario. Cette fois, ils s’emparent du roman jeunesse éponyme de Flore Vesco, salué par le public et la critique à la sortie. Et le résultat est brillant. Car le pinceau aérien, les couleurs délicates et le sens de la composition du duo donnent chair au texte et aux bons mots de l’héroïne, ainsi qu’énormément de mouvement et de légèreté, alors qu’on est dans un huis-clos dans un château. L’intrigue est palpitante, les trognes des personnages succulentes, les rebondissements excitants.

Alors, bien sûr, on pourra être un brin frustré de ne pas retrouver la gravité ou la violence sous-jacente des autres albums des Kerascoët, cette noirceur jouant sur le contraste avec leur graphisme lumineux. Mais on est dans un album tous publics, délicieux dès 12 ans, féministe et positif, qui prône la force des mots contre la violence des puissants, la révolution par le verbe et l’empathie plutôt que par le sang. Et rien que pour ça, on adhère !