De l’autre côté de la frontière
Auteur de polars, François Combe séjourne avec femme, enfant, maîtresse et gouvernante, dans la Santa Cruz Valley, à la lisière de l’Arizona et du Mexique. Il s’aventure parfois avec Kay, sa secrétaire, dans les quartiers chauds de Nogales, ville frontière. Le couple, accompagné de Jed Peterson, un Américain ami de l’écrivain, rencontre Raquel dans une maison close, El Cielito Lindo. La même nuit, la prostituée est assassinée… Jed, son dernier client, est dans le collimateur de la police. Afin de le disculper, François s’improvise détective, accompagné d’Estrellita, sa servante mexicaine.
Puisant dans l’imagerie des années 1950 à 1970 de paysages du Sud-Ouest américain, lorsque certains riches blancs profitaient d’une ambiance néo-coloniale nauséabonde envers les Mexicains (situation, par certains aspects, encore actuelle de nos jours), l’album dessiné par Philippe Berthet (Motorcity) est un bel ouvrage esthétique. Son trait clair, précis et sculptural, rehaussé d’une colorisation franche restitue joliment une ambiance polar, bel hommage aux oeuvres de genre de l’époque. On sent flotter l’esprit de Georges Simenon, dont le voyage en Arizona en 1948 inspire librement cette histoire. L’intrigue élaborée par Jean-Luc Fromental (Le Coup de Prague) se suit avec plaisir, bien qu’un peu trop psychologisante dans sa chute.
Le bémol vient du traitement des personnages féminins : femme bafouée, prostituée, maîtresse, servante… Les auteurs ne les sortent pas de leur statut et ne traitent pas de manière critique cet état de fait qui, s’il ne peut être changé au prix d’un révisionnisme historique, devrait être lu depuis 2020, avec un certain esprit critique. Même la servante, qui enquête auprès de l’écrivain, doit se contenter d’une petite dédicace comme seul remerciement. Quant à l’oppression des Mexicains, bien que décrite, elle aurait mérité un traitement plus approfondi. Les auteurs semblent avoir préféré sacrifier une réflexion moderne à l’esthétique de l’ensemble, par ailleurs très réussie…
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Un des meilleurs polars de l’année. Le scénario est assez classique mais bien écrit, enlevé, sans temps morts. Le dessin de Berthet est magnifique, une ligne claire parfaite. Ce livre vaut largement les 3 étoiles attribuées dans l’article.
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