Nick a un don particulier : il est hypermnésique, c’est-à-dire qu’il se souvient de tout ce qu’il voit, tout ce qu’il apprend. Sans effort. Le problème, c’est qu’à force de tout retenir, de la recette du poulet au vinaigre aux numéros de téléphone de tous ses contacts, il sature un peu. Il organise donc sa mémoire, dans de drôles de petites boîtes chez lui, comme autant de disques durs externes à son cerveau trop rempli. L’autre souci, c’est qu’il s’ennuie dans tous les boulots qu’il occupe, forcément trop répétitifs. Et puis, il y a son passé, son enfance, l’accident qui a tué ses parents. Et les travaux secrets de son père…

Éric Corbeyran (Barbecue marseillais, Le Quatrième Mur, Réincarnations…) propose ici un thriller lent et peu spectaculaire, forcément cérébral, vu son sujet. Sans être prise de tête, non plus, qu’on se rassure. Le scénariste sait ménager son suspense, construit son personnage par petites touches, un type insaisissable, une anguille qui glisse entre les êtres et les lieux, pour mieux se protéger, et pour ne pas nuire aux autres avec ce foutu don qui ressemble davantage à une malédiction qu’à autre chose. Le risque de ce type de personnage, qui ne veut pas tirer profit de ses capacités extraordinaires et compte la jouer profil bas, est qu’il ne fait forcément un bon héros de polar, ni même un anti-héros. On suit donc ses péripéties avec un certain détachement. Et le dessin de Winoc, d’un trait à tendance réaliste mais souvent fragile et tremblotant, ne suscite guère plus d’intérêt. Jusqu’à la fin, un brin confuse. On referme donc ce one-shot avec un drôle de sentiment, celui d’avoir lu une histoire originale mais pas vraiment haletante, au design pas désagréable mais sans aspérité, un polar honnête en mode mineur. Qui, malgré ses qualités, ne restera pas dans les mémoires.