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Décès de Kline, le discret dessinateur de Loup Noir

23 mai 2013 |

Roger Chevallier, mieux connu sous le nom Kline, s’est éteint le 16 mai à l’âge de 91 ans.

kline_photoArtisan discret mais majeur des éditions Vaillant, il débute sa carrière pendant la guerre, à Paris. À peine débarqué de sa Bretagne, avec des papiers non-valables, il tente de passer inaperçu et place des pages dans OK ou il développera Kaza le martien pendant plus de cent planches. Cette série est très largement copiée d’Alex Raymond, mais lui permet avant tout de se lancer dans le milieu et de rencontrer d’autres auteurs. Il travaillera ensuite à Coq Hardi et pour Fillette, une revue de la Société parisienne d’édition.

Mais c’est en 1960 que sa carrière prend son envol, lorsqu’il reprend Davy Crockett des mains d’Eduardo Coelho pour le compte des éditions Vaillant. Ainsi entré par la petite porte dans une des plus belles revues de son époque, il y fait aussi la connaissance de Jean Ollivier, scénariste avec qui il fera le plus long de sa carrière.

kline_couvSi Davy Crockett est une série tout à fait honorable dans laquelle le style de Kline s’affirme nettement, ce n’est qu’en 1969, avec la création de Pif Gadget, qu’il lancera Loup Noir, une série qui marquera de nombreux lecteurs. Loup Noir, c’est un indien courageux, sang-mêlé d’apache et de sioux, qui traverse l’Ouest sans attaches avec un esprit libre et un message de tolérance. À mille lieux des caricatures hollywoodiennes de sauvages sanguinaires.

Dans Loup Noir, le scénariste Jean Ollivier présente des indiens en osmose avec la nature, et n’hésite pas à lancer un très avant-gardiste message écologiste tout en faisant découvrir au grand public la richesse des peuples autochtones. Mais si la série est un succès populaire, c’est indéniablement aussi parce que la fusion entre le scénariste et le dessinateur est parfaite. Jamais aussi à l’aise dans ses personnages, Kline insuffle une âme à son Far-West de papier, donnant à travers une impeccable gestion des noirs une densité étonnante à un trait pourtant toujours d’une grande sobriété.

Pour ceux qui en douteraient encore, on rappellera le vibrant hommage de Michel Houellebecq, qui écrivait dans l’Idiot International de mars 1992 : « Mon héros préféré est peut-être Loup-Noir […]. Certains épisodes mythiques (je pense notamment au Bracelet de cuir) dépassent ainsi le cadre de la stricte aventure pour baigner dans un climat purement poétique et moral. Loup-Noir représente un dépassement ultime, un dépassement vers le haut, une assomption de la bande dessinée d’aventure. »

La série connaîtra 160 récits, jusqu’en 1980 et que la triste déchéance de Pif Gadget s’amorce. Kline publiera alors divers récits courts dans la revue, participera à l’aventure de Gomme, éphémère revue de Glénat, avec un polar contemporain où on le sent moins à l’aise. En 1995, fatigué par une longue carrière, il cesse totalement la bande dessinée et se consacre à son autre passion : la lecture de philosophie.

Lorsque qu’au milieu des années 2000 Pif Gadget reparaît, Loup Noir est évidemment de la partie. Malheureusement, des couleurs maladroites cachent beaucoup du beau trait de Kline. Mieux vaut se tourner vers les belles rééditions du Taupinambour : une intégrale soignée, respectant au plus près le travail d’origine dont ce grand dessinateur trop méconnu ne verra pas la fin. Toutes nos pensées vont à sa femme Micheline et à ses proches.

kline_planche

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