Au début, tout semble normal, bien rangé dans la vie du gardien de musée. Puis les objets bougent chez lui, pendant son absence, et cela le brise tous les jours un peu plus.Une jeune femme erre dans la ville, la nuit, d’homme en homme, de concert en concert, elle ne peut pas dormir, a des absences et des hallucinations. Un maçon à la retraite est tout à coup frappé par la beauté du monde et veut créer de l’art, absolument, quitte à détruire et à s’isoler de ses proches. Un fil presque invisible court entre ces trois solitudes.

Illustratrice accomplie, Violaine Leroy participe à de nombreux ouvrages pour enfants (Le Renard des sables), collabore avec la revue XXI et a déjà signé un album solo chez La Pastèque (La rue des autres). Dérangés est son album le plus personnel. Ample (plus de 300 pages) sans être étouffant, il donne du temps à l’histoire, traitée en trois actes entrecoupés d’interludes : un ballet contemporain dans lequel le danseur tenter de s’arracher à la page. L’auteure prend aussi de l’espace, sait laisser des vides qui valorisent son trait pur et précis et un noir et blanc très doux. Sa liberté graphique fait naître de belles compositions géométriques et un rapport aux volumes surprenant : on croirait voir apparaître une troisième dimension…

Si l’ouvrage peut désarçonner par une certaine froideur initiale, le lien ténu qui relie les trois personnages révèle l’espoir du retour de la chaleur humaine, de la beauté cachée dans toute chose.