Des intégrales sous le sapin (2)
Deuxième salve d’intégrales BD à offrir ou se faire offrir à Noël (lire notre première sélection ici).
Les Pauvres Aventures de Jérémie
Avant la sortie du second film de Riad Sattouf (La Vie secrète des jeunes, Pascal Brutal, Les Beaux gosses), Dargaud réédite une intégrale en noir et blanc des trois hilarantes Pauvres aventures de Jérémie, augmentée de préfaces et d’histoires publiées dans Pilote. Jérémie, jeune geek aux lunettes rondes, cultive un art de la lose improbable et universel : gouttes de sueur qui perlent, voix chevrotante, l’anti-héros avance dans la vie la trouille en bandoulière, surtout quand il s’agit de draguer la jolie Florence, « un canon génétique » dont le jeu de pied le rend fou ! Angoissé maladif délicieusement gauche, Jérémie Chibouz a en plus le charisme d’un mérou et la tchatche d’un hamster. Mais, personnage des plus attachants, il est rendu drôle par sa maladresse chronique et ce talent qu’a Sattouf pour capter par son dessin le plus petit détail, celui qui fait sens, pour brosser des portraits cruels de vérité. Immanquable !
Les Pauvres Aventures de Jérémie.
Par Riad Sattouf.
Dargaud, 22.50 €.
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Pilules bleues
Publié en 2001, Pilules bleues retrouve une seconde jeunesse. L’auteur suisse Frederik Peeters (Aâma) y narre le quotidien d’un couple dans son rapport à l’amour et à la mort. Et pour cause, sa petite amie Cati et son fils sont tous deux séropositifs. Comment vit-on au contact de la maladie ? Doit-on renoncer à une relation normale ? Avec douceur et finesse sans oublier un zeste d’humour bienvenu, Peeters décrit un maelström émotif entre tentation de la pitié et amour absolu, puis évoque l’attirance à l’épreuve de la maladie, les interrogations, les doutes, les progrès des soins, pour raconter in fine une magnifique romance autobiographique. Conte du quotidien d’une sincérité touchante, Pilules bleues constitue sans doute un des plus beaux récits de Peeters. Le revoilà donc, en attendant la fiction télé, avec une couverture rigide et un épilogue inédit, huit planches en forme de bilan, vibrant écho d’une maladie encore mortelle, mais avec laquelle on peut désormais vivre comme tout le monde, ou presque. Un livre émouvant et majeur pour toute une génération de lecteurs.
Pilules Bleues.
Par Frederik Peeters.
Atrabile, 22 €.
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Quai d’Orsay
Primé à Angoulême en 2013 et couvert de louanges méritées, le diptyque Quai d’Orsay ressort en intégrale en parallèle du film de Bertrand Tavernier. L’histoire raconte le quotidien de Taillard de Worms, ministre des Affaires Etrangères érudit et hyperactif, aussi fascinant qu’incompréhensible. Orateur qui terrorise ses équipes, il veut joindre l’acte à la parole. L’idéaliste plus que naïf Arthur Vlaminck, son scribe officiel, est alors chargé de rédiger ses discours… Bienvenue dans l’enfer du décor politique, petit théâtre bouillonnant dont les coulisses sont peuplées de jeunes loups aux dents longues. C’est drôle, intelligent, inédit, trépidant même, entre caricature et hyperréalisme, où l’on découvre le talent de dialoguiste d’Abel Lanzac (qui a été membre du cabinet de Dominique de Villepin) et savoure la virtuosité de Blain, brillant dans l’énergie graphique. Déjà un classique, augmenté ici de savoureux crayonnés mis de côté dans la première version. Le cadeau idéal pour les fêtes !
Quai d’Orsay.
Par Abel Lanzac et Christophe Blain.
Dargaud, 29,99 €.
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Protomaakies #1
Pour finir, l’excellente initiative de Rackham qui édite l’intégrale des Maakies distillés par l’extravagant Tony Millionaire. Soit un recueil de « strips supérieurs 20 ans d’âge » entre « ivresse et poésie« . Et Oncle Gabby, singe poivrot, affublé de Drinky Cow, corbeau dépressif lui aussi alcoolique, duo mal fagoté en proie à la cruauté du monde sur un vieux rafiot de pirates : incendiés, martyrisés, mazoutés ou déchiquetés, sanguinaires ou violents, les deux dépravés se complaisent dans l’excès, la picole et les bagarres. Pour mourir la cervelle explosée, le plus souvent, puis renaître de leurs effluves une fois la page tournée. En un joyeux jeu de massacre, étonnant creuset de toutes les nuances, l’auteur brasse les différents registres de l’humour, du scato à l’absurde en passant par le grotesque et le bête et méchant. Si le ton est ravageur, l’élégant graphisme, lui, vient adoucir l’élan de débauche pour lui donner un air d’évidence. En ressort un joli panorama des misères humaines où Millionaire accorde à ses héros le droit de survivre à toutes les mutilations possibles, malin contre-pied à la laideur du monde. Drôle et jubilatoire ! En prime, un format à l’italienne fidèle à l’édition originale et un écrin vintage raffiné. Peut-être la meilleure porte d’entrée pour découvrir l’univers torturé et poétique d’un auteur hors norme.
Protomaakies #1.
Par Tony Milionnaire.
Rackham-Le signe noir, 30 €.
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