Avant de le rencontrer, on se prépare – avec une pointe d’anxiété – à affronter un hurluberlu incontrôlable, capable de répondre à une question par une boutade, une autre question ou une insulte. Car Didier Super est  un chanteur ultra provocateur, qui publie une bande dessinée sur son parcours musical avec Emmanuel Reuzé. Aussi l’étonnement gagne quand on se trouve face à un homme souriant et simple, en sweat noir à capuche et tee-shirt blanc. Il s’agit d’Olivier Haudegond, artiste de rue et interprète de Didier Super, qui met de côté son personnage déjanté le temps de l’entretien.

Pourquoi une bande dessinée ?
Parce que je raconte toujours les mêmes histoires qui font marrer, et que c’est chiant. Manu [le dessinateur Emmanuel Reuzé] voulait illustrer mes chansons, mais je lui ai dit qu’il n’en était pas question. J’ai trouvé mieux de lui raconter cinq ans d’anecdotes.

Quel genre d’anecdotes ?
Quand tu viens du théâtre de rue et que t’arrives dans le milieu de la musique, le décalage paraît très grand. Dans ce monde assez riche en médiocrité, les artistes n’existent que parce qu’ils ont quelque chose à vendre. Les maisons de disques sont prêtes à toutes les concessions pour faire du profit, mais la création n’est pas dans leur culture. Contrairement au théâtre de rue, où le seul but est de transformer un bout de trottoir en lieu de spectacle.

Pourquoi avoir voulu témoigner de cela ?
Ça m’a fait rire de raconter tout ça. Et si ça n’intéresse personne, tant pis… Delcourt perdra beaucoup d’argent !

Vous ne cherchiez pas particulièrement à dénoncer l’industrie musicale ?
Je ne souhaite pas enfoncer des porte ouvertes en disant que les producteurs et tourneurs sont tous des salauds. Mais ils pensent avoir un talent, une légitimité artistique, et que cela justifie leur métier. Eux-mêmes ne se rendent pas compte qu’ils sont des imposteurs. Travailler dans ce secteur, c’est comme faire l’armée : quelque part, c’est enrichissant. Ce n’est pas inintéressant d’être entouré de cons…

Vous citez le nom d’Olivier Poubelle, fondateur d’Astérios Spectacles, connu et plutôt respecté dans le milieu. Ne craignez-vous pas de poursuites judiciaires ?
Je ne l’enfonce pas particulièrement, j’ai donné son identité par souci d’honnêteté. C’est un bonhomme super intéressant, mais la démarche de sa boîte n’est pas qu’artistique. Elle fonctionne avec des vedettes, et je manquais clairement d’ambition pour en faire partie. Par contre, après réflexion, j’aurais trouvé intelligent de la part de Delcourt de me suggérer d’enlever son nom…

Comment avez-vous rencontré Emmanuel Reuzé, qui dessine cet ouvrage ?
Il m’a envoyé un mail au printemps 2008, car il voulait adapter mes chansons en BD. Le projet a évolué. Je lui ai écrit mes petites histoires, et il a rendu ça lisible en images. J’ai un peu participé au scénario en écrivant certains dialogues. En gros, j’ai donné la matière brute et supervisé de loin, en laissant Emmanuel entièrement concevoir le graphisme. Mais la bande dessinée n’est pas du tout mon truc !

Quelles sont vos références en la matière ?
Boule et Bill, et Astérix. J’ai depuis lu les albums d’Emmanuel, qui sont bien et se lisent vite.

Pourquoi avoir fait publier votre BD par Delcourt ?
Un copain à moi connaissait Guy Delcourt, et lui a parlé de moi. Ça n’a pas été plus compliqué que ça… A la gueule de Manu quand on a négocié, j’ai compris que l’avance proposée était intéressante, alors on a signé.

Quels sont vos projets ?
A priori, cet album n’aura pas de suite. Par contre, je prépare une comédie musicale – Et si Didier Super était la réincarnation du Christ? – qui sera créée à Paris, à La Bellevilloise, en novembre. On y verra Didier Super, chanteur engagé qui a perdu toute raison de se plaindre, aller chercher son inspiration pour refaire un disque et se taper des gonzesses.

Le personnage de Didier Super ne vous lasse-t-il pas ?
Parfois, si, mais il m’amuse tout de même encore. Ce spectacle sera peut-être le dernier de Didier. Ou pas.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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La Vraie Vie de Didier Super.
Par Emmanuel Reuzé et Didier Super.
Delcourt, 10,50 €, le 22 septembre 2010.

Images © Delcourt. Photo © f.loridant@photorock.com

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