Dimitri Planchon colle tout ce qui bouge
Son truc, c’est la déconstruction. Et la reconstruction. Dimitri Planchon, 31 ans, s’est fait une spécialité du collage. Il triture ses personnages, les façonne de mille morceaux et les agite ensuite dans une comédie ironique, baptisée Blaise. Au fil de gags d’une page, on suit la vie d’un gamin de 7 ans et de ses parents. Leur quotidien est rythmé par de petites lâchetés ordinaires, l’autoritarisme d’un président (dont les traits rappellent, au hasard, un certain Nicolas S.) et l’imminence d’une guerre. Un album à l’absurdité piquante, que son auteur décortique.
Qui est Blaise ?
Ce petit garçon n’est pas vraiment le héros de l’album, mais plutôt un témoin de ce qui s’y passe. Il est présent dans la moitié des planches seulement. Je me suis pas mal attaché et identifié à lui. C’est un gamin introverti qui subit le monde des adultes et l’éducation qu’on lui donne. Il évolue dans un environnement bourgeois et intello de gauche, proche de celui dans lequel j’ai grandi.
Êtes-vous, comme son géniteur, fasciné par Blueberry ?
Oui ! Je relis la série entière tous les trois ou quatre ans. Je me suis bien amusé en représentant son père au lit, en train de lire à chaque fois un album différent – en respectant leur ordre de parution !
Qu’avez-vous contre Zidane, caricaturé via le personnage de Dabi Doubane ?
Rien de particulier, je ne suis même pas amateur de foot ! Mais j’avais envie de me moquer des sportifs donneurs de leçon, ces héros des temps modernes type Zidane ou Douillet. J’aime bien Dabi Doubane, d’ailleurs je ne l’ai pas assez exploité, je vais peut-être le ressortir pour les besoins d’un autre livre.
Pourquoi avoir appelé votre ouvrage Blaise, alors que le personnage du titre est aussi peu présent ?
Si je l’avais nommé autrement, on aurait à peine aperçu l’enfant… C’est vrai que j’ai surtout travaillé sur les parents. Je ne cherchais pas particulièrement à épingler mes contemporains, mais juste à rigoler de mon milieu social. Blaise est né sous forme de strips dans Fluide Glacial, il y a environ cinq ans. Il s’agissait de saynètes autour de l’actualité, baptisées Pendant ce temps-là.
Vous y avez créé une ambiance bien particulière, à la fois datée et intemporelle…
Je situe Blaise dans un avenir proche, mais je ne voulais pas qu’il soit marqué par la mode du moment. Dès que je sentais que j’étais dans l’air du temps, je changeais des détails. Comme les vêtements portés par les personnages, ou leur télé par exemple : j’avais mis en scène un écran plat qui sonnait beaucoup trop 2007, je l’ai finalement supprimé.
Pourquoi avoir choisi le collage comme mode d’expression ?
Je ne suis pas un bon dessinateur. En arrivant aux Arts Déco de Strasbourg, dont j’ai suivi les cours, j’ai désappris à dessiner. Mais je n’ai jamais réussi à réapprendre ! Du coup, je n’ai pas retrouvé le plaisir et la confiance en moi que j’avais avant, le crayon à la main. Je me suis lancé dans le roman-photo à la fin de mes études. Cela me paraissait être la seule technique satisfaisante possible, et cela me permettait de mêler images et narration.
De quelle manière procédez-vous ?
Mon style est en évolution permanente. Quand j’ai débuté, j’aimais le côté dadaïste du photomontage, je voulais que les éléments soient délibérément mal collés. Aujourd’hui, je tends vers l’hyperréalisme, la peinture d’un Edward Hopper par exemple. Depuis à peu près un an, je prends moi-même des photos, je joue avec les ombres. Ensuite, je remonte sur ordinateur des bouts d’yeux ou d’oreille. Chaque visage compte au moins une dizaine d’éléments différents, qui sont distordus et modifiés. C’est un procédé laborieux, un travail à la Frankenstein qui tient du modelage ou de la sculpture. Je reconstruis mes personnages pour chacun des points de vue utilisés – de face, de profil, de trois quarts, de dos. Ils sont ensuite prêts à me servir de marionnettes, que je fais jouer à ma guise dans mon petit théâtre.
Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?
J’ai toujours eu envie d’en faire et j’en ai beaucoup dessiné de l’âge de 7 à 18 ans. Après mes études, j’ai fait un peu d’illustration, puis j’ai envoyé des planches à Fluide Glacial. Alors que je pensais galérer, le rédacteur en chef Albert Algoud m’a rappelé. J’ai ensuite publié Jésus et les copains, une adaptation des Évangiles en roman-photo.
Pourquoi Blaise sort-il chez Glénat (dans la nouvelle collection Millefeuilles) ?
Thierry Tinlot, qui a remplacé Albert Algoud à la tête de Fluide, aime moins mon boulot. Je lui ai donc demandé la permission de proposer cet ouvrage à un autre éditeur. Comme j’avais besoin d’une avance conséquente, pour pouvoir vivre le temps de la réalisation de l’album, j’ai envoyé mes planches à un gros éditeur, Glénat. Qui a accepté ! J’aime l’idée de faire une BD populaire avec beaucoup d’exigence.
Quels sont vos projets ?
Je prépare un scénario d’une centaine de pages, probablement pour Glénat aussi, autour du cannibalisme en milieu urbain. Cette fois, je soignerai plus les mouvements que les dialogues.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Blaise
Par Dimitri Planchon.
Glénat, 9,99 €, le 20 janvier 2009.
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