Divinity
En 1960, Abram Adams, un cosmonaute battant pavillon soviétique embarque pour un long voyage au-delà des limites de notre galaxie connue. Un aller-simple sans espoir de retour pour cet orphelin éduqué dans l’idéal communiste. Après vingt-sept années à bord, avec ses deux camarades d’expédition, il rencontre dans l’espace une entité supérieure, l’Inconnu, et fusionne avec elle. De retour sur Terre, il est désormais un surhomme connu sous le nom de Divinity, capable de plier le temps et l’espace à sa volonté.
Les BD de super-héros qui s’attaquent aux êtres suprêmes sont les plus difficiles à écrire. Superman est un défi permanent pour ses scénaristes depuis plus de 80 ans, mais au moins a-t-il un alias humain, Clark Kent pour apporter un peu d’équilibre. Divinity est plus éthéré, plus cosmique, même s’il n’est pas non plus étranger à toute émotion humaine. Au moins se souvient-il de sa vie antérieure, celle d’avant le décollage, lorsqu’en totale infraction avec l’injonction du Parti de ne surtout pas fonder une famille, il eut en secret une compagne et un enfant. Matt Kindt (Mind MGMT), qui écrit cette grosse saga pour Valiant, explore avec habileté la solitude ultime de cet être fatalement hors du monde et hors du temps, que justement le monde et l’Histoire ne cessent de vouloir rattraper. La mère-patrie russe ne l’a pas oublié et réclame l’allégeance qu’Abram, au-dessus de la mêlée, lui refuse désormais. Le pouvoir, et même Vladimir Poutine expressément nommé et représenté, lui enverra alors un adversaire à sa mesure : Myshka, deuxième membre de l’expédition, revenue sur Terre dotée des mêmes pouvoirs mais, elle, toujours fidèle à la cause.
Le récit prend alors une tournure passionnante, car de ce bras de fer aux proportions épiques, naît une uchronie géniale dans laquelle, l’Histoire et surtout, l’univers Valiant, sont réécrits en mode Superman Red Son avec chacune des figures de l’éditeur réimaginée en version « Stalinverse » : Bloodshot, Aric, Shadowman, Ninjak… Dommage que, pour en arriver là, il faille 100 bonnes pages d’exposition ultra-laborieuse « à la Valiant », cet éditeur ayant pour fâcheuse habitude de rater ses entrées en matière. Passé un interminable premier chapitre tout en scènes d’action mal fichues et confuses, qui supposent de bien connaître les héros maison, les pièces du puzzle se mettent à s’assembler. Les deux chapitres suivants permettent à Kindt et au dessinateur Trevor Hairsine (DCeased) de laisser leur talent s’exprimer pour faire de Divinity une fresque SF de belle ampleur et aussi l’un des récits les plus aboutis de l’aventure éditoriale Valiant.
On saluera pour finir, l’excellent travail de Bliss, l’éditeur français, qui a compilé pour cette riche intégrale de près de 500 pages, de copieuses annexes dont de très dispensables courts récits d’origine des différents héros et vilains du Stalinverse, et de plus instructifs commentaires de planches par l’équipe artistique.
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