Doctor Star & le royaume des lendemains perdus
James Robinson, passionné de calculs et bourreau de travail, voit sa vie changer le jour où, en pleine Seconde Guerre mondiale, deux agents du département de la Défense américaine proposent de financer ses travaux sur la « parazone ». L’objectif: en tirer une arme pour vaincre les nazis. Finis les problèmes d’argent. Lui, sa femme Joan et leur fils Charlie vont pouvoir quitter leur taudis pour une vie meilleure. Mais habité par le travail et ses obsessions, James va sacrifier sa vie de famille pour devenir Doctor Star, et embrasser une carrière de justicier aux côtés de Black Hammer…
Si le premier spin-off de la série Black Hammer (Sherlock Frankenstein et la ligue du mal) ne nous avait convaincus qu’à moitié, le second est en revanche une belle réussite. Ou comment ramener à hauteur d’homme (misérable) des justiciers masqués, habitués aux éloges et à la gloire. James Robinson n’est plus qu’un vieil homme au crépuscule de sa vie. Ce savant, passionné d’étoiles, en fait le triste bilan. Son pouvoir et ses exploits n’ont-ils pas été ses plus grandes malédictions, l’aveuglant pour toujours ? Le sacrifice en valait-il le coup ? Sur une trame narrative très simple, une voix-off ponctuée de flashbacks, entre grands exploits et vie familiale délabrée, Jeff Lemire évoque l’insatisfaction comme moteur de l’existence, l’impossible bonheur qui en résulte et la fin des illusions, amère forcément. À trop vouloir atteindre les étoiles, on finit pas oublier l’essentiel. Son fils, la famille, sa femme, la vraie vie quoi… Doctor Star et le Royaume des lendemains perdus est ainsi déchirant, retourne le ventre et fend le cœur, à l’image de cette dernière planche – un fils dans les bras d’un père – très belle mais d’une violence indicible. On a rarement autant incarné une relation père-fils en comics.
Amère et pleine de nostalgie, à la limite de l’excès de pathos parfois, la BD s’égaye dans des envolées de super-héros martiennes mais épouse la grisaille une fois sur Terre. Max Fiumara au dessin, à mi-chemin entre une ligne européenne et un trait comics, distille toute sa délicatesse pour faire de cet album parfaitement équilibré un émouvant moment de lecture. Pas tire-larme mais éminemment touchant.
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