Dom Juan °
Par Benjamin Bachelier, Sylvain Ricard et Myrto Reiss, d’après Molière. Delcourt, février 2010.
Si le nom de Dom Juan est passé à la postérité comme celui d’un séducteur invétéré, bourreau des coeurs et faiseurs de cocus, le personnage né en Espagne au XVIIe siècle est bien plus complexe que cela. Matérialiste visionnaire, poseur anticonformiste, bagarreur spontané et blasphémateur notoire, ce héros moderne au sort funeste a été mis en scène par Molière dans une de ses pièces les plus fameuses, attaquée et censurée à sa sortie. Hélas, si le texte original, remis dans son contexte, fait toujours mouche, il ne s’accommode pas du tout de la présente adaptation en bande dessinée.
Les auteurs de ce volume ont pris le parti de coller au plus près de la langue de Molière, tout en plantant un décor modernisé, ambiance première moitié du XXe siècle. L’idée n’était pas mauvaise, mais le résultat ne fonctionne pas. Car on se retrouve plus face à une morne illustration du texte qu’à une véritable mise en scène des péripéties de Dom Juan et son serviteur Sganarelle. Les personnages vont de salons en forêt sans raison, ils se croisent par un hasard immense, et même l’intervention de la statue du commandeur – noyée dans une accumulation de cases prétextes à intégrer le texte – n’impressionne pas. L’humour et le suspense, inhérents à la pièce originale, peinent à subsister, malgré les efforts et les dessins pleins de charme de Benjamin Bachelier (Le Legs de l’alchimiste, Dimitri Bogrov) et les couleurs subtiles d’Hubert. On s’ennuie donc ferme devant une adaptation qui n’a pas réussi à exploiter les possibilités narratives du medium BD, à tel point qu’on se demande si la transposition aussi fidèle d’une pièce de théâtre est finalement une bonne idée.
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