Par Minaverry. L’Agrume, 18 €, le 15 septembre 2012.

Dora est une adolescente en de nombreux points semblables à toutes les jeunes filles, qui rêve d’amour, de tendresse et d’un brin d’aventure. Oui, mais elle vit dans le Berlin des années 50, son père, juif, est mort dans un camp de concentration, et elle collecte des informations sur des responsables nazis dans un centre d’archives. Elle grandit, s’installe avec sa mère au Maroc, puis en France. Mais son goût pour les secrets et l’espionnage la rattrape et la voilà partie pour l’Argentine sur les traces de Josef Mengele, médecin d’Auschwitz en fuite…

Bonne pioche pour la première publication du nouvel éditeur L’Agrume. Cet épais et intrigant volume, signé d’un jeune talent argentin, possède un charme rare, grâce notamment à un récit qui sait prendre son temps et un graphisme refusant la facilité. Avec sa ligne claire qui pourrait paraître fort classique au premier regard, Minaverry (Aleph Alif) use du dessin comme un élément narratif fort, tout aussi indispensable que les longues explications historiques sur les crimes du nazisme ou la situation politique de la France engluée dans la guerre d’Algérie. Il décadre ses images, joue avec les lignes et les formes géométriques, se sert avec intelligence du blanc et des silences, parfois à la limite de l’abstraction. Il insuffle ainsi un rythme lent à son intrigue, n’accélérant celui-ci que par moments fugaces, à l’image de la vie de son héroïne, séduisante et enthousiaste jeune femme qui se cherche. Instructif et sensible, cet album de 176 pages (publié en épisodes dans la fameuse revue argentine Fierro) pose les bases d’un univers prenant, un feuilleton d’espionnage en mode mineur et aux tonalités de roman d’apprentissage. Et surtout, révèle un auteur à suivre au plus près.

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