Double Je #1-3
Ne vous fiez pas à son dessin archétypal, Reiko Momochi est une auteure unique. Présentée par Akata via Daisy, lycéennes à Fukushima, elle se spécialise dans les sujets de société graves — Double Je, œuvre qui ne retient pas les coups, est peut-être le shôjo le plus dur qui soit paru en français.
Kotori et Nobara sont deux jumelles au caractère opposé : l’une est sage, l’autre malicieuse. Avec leurs parents, elles connaissent une vie de famille paisible et sans aspérités. Mais, durant l’adolescence, deux drames vont bouleverser leur vie… Et si les sujets traités ici sont multiples, disons-le clairement, Double Je a pour objet principal un meurtre particulièrement sale et injuste qui survient dans le premier volume. Toute la suite (cinq tomes sont prévus) s’attarde sur la manière dont l’entourage de la victime gère ce choc émotionnel et tente de se reconstruire. Comment trouver sa place dans la société lorsqu’on est dépossédé de ses repères, n’étant plus qu’une enveloppe corporelle qui, certes, sauve les apparences, mais n’en est pas moins profondément rongée par un mélange corrosif de haine, tristesse et culpabilité ? Peut-on seulement accéder à une vie sereine quand tout, y compris la curiosité malsaine du voisinage, nous ramène au drame ?
Il faut du courage pour lire ce titre aussi triste que poignant. Au départ, à vrai dire, la succession de tragédies parait même un peu forcée. Comme s’il fallait déverser un coulis de mélodrame tous les deux chapitres avant même d’avoir pu digérer le précédent. Pour autant, la force émotionnelle reste présente et il est aisé de se prendre d’empathie pour ce foyer émietté, confronté au deuil et aux travers de la justice – la série verse d’ailleurs progressivement dans le polar. Tout n’est pas parfait, à l’image de certaines situations vraiment trop théâtrales ou du côté décoratif des planches qui jure avec la pesanteur du sujet, mais Double Je est un cri d’espoir pour toutes les personnes en souffrance. Si la famille Suzuki se relève, alors tout le monde peut s’en sortir.
© Reiko Momochi / Kodansha Ltd.
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