Yacha s’ennuie. Son patron libraire est gentil mais un peu collant. Et surtout, son colocataire est toujours par monts et par vaux. Elle décide alors de sous-louer une chambre : et c’est Rudica qui débarque, crinière au vent et peur de l’ogre qui la séquestrait jusque-là. Ensemble, les deux jeunes femmes vont se mettre à faire pousser des plantes, à dessiner des personnages sur les murs du quartier qui vont prendre vie, à guérir les voisins avec des massages. Mais la population va-t-elle tolérer ces sorcières débordant de vie et d’idées saugrenues ?

Les dryades étaient, dans la mythologie grecque, des nymphes liées aux arbres et à la forêt. L’idée de transposer ce mythe dans la société contemporaine, tout en le mêlant avec celui des sorcières – ces guérisseuses honnies de tous car trop libres – est excellente, surtout dans cette ambiance hyper sensorielle. La jeune Belge Tiffanie Vande Ghinste déploie une palette de crayon gris vaporeux tout en nuances, au sein de laquelle elle fait intelligemment émerge la couleur, le rouge, le vert, pour signifier les rêveries et la magie de ses deux héroïnes. Ses grandes cases proches de l’illustration s’articulent bien avec celles, plus sommaires dans le détail de dessin, qui font avancer la narration, et l’ensemble prend vie dans une grande douceur et une vraie légèreté. Le scénario, plutôt classique, est bien construit et permet d’aborder des thèmes forts – l’amitié, la confiance en soi et dans l’autre, le regard froid de la société et sa peur de la différence – sans être pompeux. Voilà donc un premier album enthousiaste et déjà très maîtrisé, qui augure de belles choses pour son auteure dans les années à venir, car le regard aiguisé et l’audace sont déjà là.