Du beau avec du moche
13 novembre 2015. Des coups de feu retentissent. Pour Kek et son amie Amélie qui passaient une soirée comme les autres, c’est le début d’un cauchemar. 13 morts, une dizaine de blessés rien qu’en bas de chez eux. Et de nombreux autres la même nuit, en plein Paris. Des inconnus, des connaissances, des amis. Tués, au coin d’un rue, alors que rien ne laissait présager un tel déchaînement de violence.
On avait d’abord connu Kek pour ses « jeux cons » et ses bandes dessinées humoristiques sur les petits riens agaçants de l’existence : Les Quotichiants. Depuis Un coin d’humanité, précédent ouvrage dans lequel il revenait sur son expérience en tant que bénévole pour Les Restos du cœur, l’auteur dévoilait une fibre beaucoup plus sérieuse et intimiste. Du beau avec du moche poursuit dans cette veine en retraçant son vécu d’un drame récent dont il a été l’une des nombreuses victimes collatérales. Bien entendu, il n’a pas été aussi impacté par ces attentats que ceux qui étaient sur place ainsi que leurs familles, mais ces actes terroristes ont laissé de nombreuses séquelles psychologiques tenaces à ces témoins indirects dont il faisait partie.
Passant de la sidération à l’impuissance, de la colère à la peur, Kek et Amélie font face à l’incompréhension et subissent de plein fouet un choc post-traumatique sans précédent. Ils vont alors consulter. Des médecins, des psychologues, des comportementalistes et doivent un temps passer leur quotidien sous cachets pour pouvoir surmonter l’indescriptible bêtise humaine. Si cet ouvrage relate les faits et leurs conséquences, si l’on vibre et que l’on souffre en même temps qu’eux à de nombreux moments, il est aussi porteur d’espoir. Il est la preuve de la possibilité d’une reconstruction, en posant notamment l’art comme vecteur de guérison.
Ce témoignage, œuvre assurément cathartique permet ainsi de mettre des mots sur des souffrances partagées par de nombreux témoins, mais devrait aussi, si besoin est, permettre aux autres personnes se trouvant dans des situations similaires de s’identifier et de tenter de surmonter à leur tour leurs expériences traumatisantes.
Les seules réserves liées à cet exercice resteront centrées sur la forme et l’esthétique parfois bringuebalante de la bande dessinée. D’abord publiée par salve sur internet dans un format case à case, celles-ci ont été retouchées et regroupées dans un petit ouvrage sans qu’on ait vraiment l’impression qu’il y ait eu la moindre réflexion de mise en page. Cependant, si la lecture de ce format a une simplicité qui sied bien à la lecture en ligne, elle s’adapte assez peu aux potentialités du médium papier.
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