Du mensonge
Cleary, caissière dans un supermarché, et Tim, un ancien copain de lycée, se retrouvent par hasard après des années de silence. Tim lui apprend qu’il va bientôt se marier. Mais l’espace d’une soirée, ils décident de rattraper le temps perdu. Les non-dits et les incompréhensions vont ressurgir au détour d’une conversation ou d’un verre d’alcool, la fatigue aiguisant les mots et les paroles malheureuses. L’occasion pour chacun de comprendre un peu plus qui il est, sans toujours savoir pourquoi. Des histoires d’amour, d’identité et de genres…
Tommi Parish, “jeune auteure icône du milieu queer américain”, signe là son premier long récit. Avec un titre qui en dit long sur son programme. Il y est question du mensonge, de ceux que l’on se raconte à soi-même et aux autres, par refoulement ou simple lâcheté. Vieux amis, Tim et Cleary se dévoilent donc peu à peu l’un à l’autre, révélant leurs angoisses, leurs craintes avant que n’émerge une vérité. Celle de ce qu’aurait pu être leur relation si tout avait été verbalisé plus tôt. Brossant un portrait intime, l’auteure aborde le sujet de l’identité sexuelle et son acceptation ou non, sans tenter de moraliser ou de comprendre davantage. Elle s’attarde surtout sur des ressentis, des impressions et explore l’impossibilité de tout comprendre. La mise en abîme – Cleary, qui lit un livre trouvé dans la rue, s’interroge sur sa propre histoire – amplifie l’écho d’une relation d’écorchés, souvent étrangers à eux-mêmes et échoués dans une zone floue où l’identité peine à cristalliser. Cela fonctionne à moitié car on ne comprend pas toujours où l’auteure veut en venir et le ressort narratif du texte dans le texte paraît artificiel. Contrairement aux dialogues, toujours sobres mais fins, parfaits pour suggérer sans trop en dire. Mais on retiendra surtout la signature graphique de Tommi Parish. Un trait qui ondule et épouse les formes sur un rythme lancinant, pour des compositions très picturales, à l’encre colorée ou à l’aquarelle, sur des tons chauds ou délavés. Un environnement chromatique qui ravit l’œil, pas loin d’un Brecht Evens ou même de Simon Hanselmann parfois, magnifié par le contrepoint en noir et blanc dans des pages d’une belle épure graphique. Et finalement l’essentiel est là : de la sensibilité et de l’émotion pour une balade nocturne plus vraie que nature.
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